Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
INTRODUCTION HISTORIQUE. 45
Napoléon, furieux de l'appui donné par les Russes à la résistance des Bouches, demande à l'empereur d'Autriche l'autorisation de faire passer ses troupes sur e territoire de l'empire pour atteindre la Dalmatie ; il Y réussit, et alors décidé à poursuivre aussi loin que possible, il ne songe à rien moins qu'à les pousser à travers l’Albanie jusqu'à Corfou. L'amiral Ségnavine en allant de Corfou à Curzola c'était arrêté à Raguse, et avait amené le sénat à accepter une convention en vertu de laquelle la ville ouvrirait ses portes aux troupes russes, dès que l’on apprendrait l’arrivée des Français sur le territoire de la République. Mais il était à peine parti, que déjà quelques sénateurs faisaient observer qu'en face de l’armée française, si courageuse et si entreprenante, la flotte russe était impuissante à les défendre ; que la prudence conseillait done de recevoir amicaJement l'armée française. Ce raisonnement sembla si convaincant que l'assemblée s’y rendit tout entière; aussi le général Lauriston, à la tête de trois mille hommes, ayant franchi le 14 mai, les confins turcs, se porta jusqu’à Slano et, le 15, entra à Raguse. Le premier acte de Lauriston fut de déclarer, au nom de l’empereur, que l'indépendance et la neutralité de la République ragusaine ne seraient reconnues qu'autant que les Russes quitteraient les Bouches, Corfou et les îles ayant appartenu antérieurement à Venise, et que leur flotte se serait éloignée des côtes de la Dalmatie. Segnavine ne se pressant point d'obtempérer à celte injonction, la République ragusaine se trouva, bon gré malgré, devenue l'alliée des Français, et dut songer à se battre pour eux.
A la nouvelle de l’arrivée des Français à Raguse, le vladika se mettant à la tête de ses montagnards, et ayant avec lui trois compagnies russes et les gens des côtes, marcha à la rencontre de l'ennemi, qu’il joignit près de Tsavtat. Pendant quatre jours on se battit de part et d'autre avec un égal acharnement, les Monténégrins ne faisant point de quartier, et frappant de terreur les Français qui, après s'être enfermés à Tsavtat, furent obligés de le quitter et de
battre en retraite jusqu'à Raguse, dont ils couvrirent de 3.