Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE PREMIER.

de Scutari d'Albanie, levez les yeux sur cet amphithéâtre impénétrable de montagnes se perdant dans les nuages amoncelés, et voyez s’il était possible de trouver our ce sauvage pays un nom plus caractéristique. Cette teinte triste, implacable, que vous retrouverez partout dansses paysages, le Monténégro la doit à la nature même de sa roche, aux anfractuosités infinies où les ombres se condensent, à sa végétation elle-même, n'offrant le plus souvent qu'une chétive broussaille couverte pendant la belle saison d’un feuillage épais et sombre, et ne gardant pour l'hiver que le squelette noirci de son branchage. Démétrius Milakovitj, dans son Histoire du Monténégro, prétend que le nom de Tsernagore ne saurait avoir une grande ancienneté, puisque nul auteur de l’antiquité et nul écrivain du moyen âge n’en font mention; bien plus, dit-il, les actes publics du Monténégro, sous le gouvernement des Tsernoievitj (1427 à 1499), ne

Moscou en 1754, publia une petite notice sur le Monténégro, et qui mieux que tout autre était capable d'apporter un avis autorisé sur la question que nous discutons, trouve, dans l'aspect physique du pays, la raison même du nom de Tsernagore; et Jun des auteurs les plus récents qui aient écrit sur le Monténégro avec une réelle autorité, M. Widdington, n'hésite point à accepter cette version (Dalmatia and Montenegro). Andritj pense que le pays a reçu probablement son nom des grands sapins qui donnent en hiver à ce pays un aspect noir et un carac{ère sombre: de là Forêt Noire, Montagne Noire. Nous ajouterons que les rochers nus de la Tsernagore empruntent encore une teinte noirâtre à ces lichens inférieurs (tels que le lichen géographique) qui les envahissent partout, premiers rudiments de la végétation, ou plutôt sorte de transition entre la matière inerte et les corps organisés.

La vicomtesse Strangford raconte que, s'enquérant auprès du prince des Monténégrins des raisons qui avaient motivé cette appellation de Montagne Noire, son noble interlocuteur se contenta de lui montrer du doigt les rochers : « The prince himself pointed out to me the blackness of the rocks I have described above as the reason, » ‘The eastern shores of the Adriatic.)