Le mouvement des idées : sur une histoire de la Révolution

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qui sont prêts aujourd’hui à recommencer. » (P. 472). Les Montagnards avaient mille fois raison de leur reprocher de ne pas songer sérieusement à « élever la France aux magnifiques destinées d’une république », mais de tenir au contraire à conserver un roi dont ils seraient « les maires du palais » (/4.) Honteusement attachés à la richesse, ils protestent avec ferveur contre les impôts qui l’atteignent, bien qu’il faille trouver de l'argent à tout prix et n'importe où pour défendre la République et le pays contre l'invasion : si violente, si intraitable est leur passion possessive, qu’ils « furent sur le point d’assommer les montagnards à la Convention, lorsque ceux-ci soutinrent ce projet d'impôt forcé » (p. 509). Que les méchants Girondins n'aient pas assommé les bons Montagnards, et que ceux-ci, au contraire, aient coupé la tête aux Girondins, c’est un accident de peu de signification ; d’ailleurs, la décision des Montagnards — on connaît les détails de la séance du 3 octobre, du rapport d'Amar, du jugement — fut éminemment préventive : ils tuèrent afin de n'être pas tués, par précaution légitime, comme les loups qui se

garderaient bien d'attaquer les agneaux si les bergers ne .

-S’avisaient pas de les molester. M. Kropotkine n’a que : du mépris pour le sens politique et l’esprit de concilia-

tion dont les Girondins témoignèrent en plusieurs occasions. Quant à leur générosité, quant à l’idéalisme de leurs opinions, quant à leur attachement à l’idée de liberté, il ne leur en sait aucun gré : ils n'aimaient pas assez légalité, ils n'étaient pas communistes, ils tenaient au maintien de la propriété, ils auraient même accepté celui de la monarchie; et donc, ils étaient des ennemis, des conspirateurs et des misérables, dont la fin fut méritée.

On se sent pris de tristesse à voir un homme de la

valeur et du caractère de M. Kropotkine méconnaître

à ce point ses adversaires, et porter sur eux des juge-