Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France
14 PACTE DE FAMINE
qu'on leur avoit accordée; mais ils ont reconnu que le bénéfice ne répondoit pas à leur espérance et que l'étendue de leurs engagemens, pour le service de la halle, exigeroit des fonds d’avance dont l'intérêt absorberoit et au delà le montant de la gratification qui leur étoit accordée ; que deux établissemens aussi considérables que les moulins du roi et de l'hôpital exigeoient une administration dispendieuse, et que les frais qu'elle entraînoit causeroient infailliblement leur ruine, si Votre Majesté ne venoit à leur secours, en leur faisant un traitement plus favorable, En effet, l'engagement d’avoir toujours six mille sacs de farine, qui font douze mille setiers de blé, entraîne encore avec lui l'engagement d’avoir une égale quantité de blés, destinée toujours à alimenter les moulins, et même quelquefois encore de l’argent dans les mains de leurs commissionnaires pour remplacer par des achats nouveaux les consommations successives ; en sorte qu’on doit compter que leur engagement exige 600.000 livres de fonds dont l'intérêt à 6 0/0, qui est le taux du commerce, faitun objet de 36.000 livres.
L'effet des précautions prises par cet arrangement, en assurant qu'il y a toujours six mille sacs de farine prêts à porter à la halle, qui peuvent être exigés dans les derniers temps du quartier, comme dans les premiers, est d'empêcher ces négocians de disposer pendant trois mois de leurs farines, de leur faire perdre les occasions favorables qui pourroient se présenter pendant ce temps.
Un autre effet aussi certain est d'empêcher l'augmentation de prix quel’interruption de la navigation, soit par les glaces, soit par les grosses ou basses eaux, pourroil occasionner, parce que l'apport de ces 6.000 sacs de farine suppléeroit pendant quelque temps aux provisions qui ne seroient pas apportées d’ailleurs. Il en résulte que les boulangers, assurés par les précautions qui ont été prises, qu'elles peuvent fournir au service de la balle pour dix jours, la vente de la halle n'étant pas, l’une dans l’autre, par jour, de plus de 600 saes, ils pensent que l'interruption de la navigation ou la difficulté des chemins, à cause des glaces, ne durera pas plus que ce temps, et qu’à l’époque où cet obstacle sera levé, les choses reprendront leurs cours accoutumés, l'abondance sera également maintenue ; en conséquence ils n’augmenteront pas leurs achats, par conséquent les prix ne hausseront pas, et le temps où les négocians, chargés de l'engagement qu'ils ont contracté, auroient pu espérer quelque avantage, leur occasionne seulement des frais plus considérables, parce que, dans ces temps, le service est plus dispendieux, soit parce qu’il faut, dans le temps des glaces, -prendre des voitures, ou dans le temps des basses eaux, diviser les charges des bateaux.
Ces motifs paroissent devoir faire impression sur Votre Majesté, et pour mettre ces négocians en état de continuer un service que Votre Majesté a jugé nécessaire et dontils se sont acquittés à la satisfaction de M. le lieutenant de police; que ces négocians ont d’ailleurs dans Corbeil une très bonne réputation ; que M. le duc d'Orléans qui a souvent occasion, lorsqu'il est à Sainte-Assise, d’être informé de leur conduite, leur rend les témoignages les plus avantageux. Le contrôleur général propose de remettre à ces négocians, pour les indemniser de leurs pertes passées, le montant des billets qu’ils ont souscrits montant à 146.000 livres qui, avec le bénéfice qu'ils feront sur les ris, qui étoient l’objet de ces billets, feront les 176.000 livres qu’ils disent avoir perdues.