Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

L PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE VI 41

demanda à Doumerc de lui rendre un compte général des sommes perçues et employées par lui depuis qu'il avait été chargé de l’approvisionnement des blés pour le compte du Roi : « On ne trouva rien qui pût prolonger et même justifier la détention des sieurs Doumerc et Sorin; ils furent mis en liberté‘. On nomma une commission pour juger leurs comptes ; et, à la honte de M. Turgot gui les avoit fait arrêter, les commissaires du Conseil rendirent, le 7 juin 1776, en faveur des deux accusés et pendant le ministère du même M. Turgot, un jugement qui portoit : que les comptes des sieurs Sorin et Doumerc préalablement arrêtés. ils les déclaroient en avance envers Sa Majesté de la somme de 396.065# 19574, Au surplus, dit le même jugement, pourront lesdits sieurs Sorin et Doumerc se retirer par devers Sa Majesté pour obtenir les marques de satisfaction qu’elle eroira devoir leur accorder en considération du bon ordre et de la fidélité de leur régie*. »

En réalité, Turgot était très irrite des violences qu'il avait eu à réprimer ; les émeutes connues sous le nom de gwerre des farines, lui avaient fait perdre quelque peu le sang-froid indispensable en pareilles occurrences. Gette guerre des farines qu'on a entourée à plaisir d’un certain mystère nous semble avoir êtè provoquée par la maladresse de ce ministre, qui avait agi avec une grande précipitation. Voici ce qui était arrivé : pour suivre les conseils de Turgot,

été mis à la Bastille que pour la forme, et faire voir au peuple qu'on s’occupait à découvrir les auteurs des calamités publiques. On ne doute pas qu’ils ne soient relâchés incessamment. — Le sieur Doumerc peu connu est lintendant et le prête-nom du sieur Le Ray de Chaumont, intendant des Invalides, grand économiste et cependant grand monopoleur. »

98 mai 4775. — «Madame Sorin est allée voir tous les ministres depuis la détention de son mari à la Bastille et a été mal reçue de tous, sans qu'aucun lui ait articulé des griefs contre le prisonnier. Elle assure que les comptes de cet accusé sont en bonne règle, entre les mains de M. Albert, qui aurait pu le justifier pleinement en les produisant; mais elle le regarde comme l'ennemi le plus capital du sieur Sorin. Quant au sieur Doumerc, son sort dépend de celui du premier dont il était l'associé. Il se confirme que ce Doumerc avait été précédemment attaché au sieur Le Ray de Chaumont, et l'on ne serait pas surpris que celui-ci, d’une réputation fort équivoque, se trouvât compromis. »

Les extraits que nous venons de citer ne furent publiés que dans le supplément paru en 1786 seulement.

4 Le 20 juin 1775.

2 «En effet, le sieur Doumerc fut alors chargé du service des vivres de la guerre ; il l'a été depuis, et il l’est encore de celui de la marine. On sait que c’est par les secours qu’il donna l'hiver dernier (1788-89) que Paris fut approvisionné. Depuis le mois de juillet, il a cessé ce dernier service.» Charpantier, op. cit., IV, 43.