Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

42 LE PACTE DE FAMINE

« le Roi voulant détruire des idées aussi injustes que dangereuses de monopole autorisé, et rendre au commerce sa liberté, son activité bienfaisante, annonça que personne ne se mêlerait plus en son nom du commerce des grains. Alors, comme s’il fallait toujours à l'opinion un fantôme de monopole contre lequel elle se bat, on se persuada, ou plutôt on dit, sans en être persuadé, que la liberte, cette même liberté dont le défaut avait donné l'existence au prétendu monopole de l'administration, avait créé un autre monopole, c'est-à-dire celui de plusieurs milliers de marchands*. » Après les ordonnances royales, on vit donc une quantité considérable d’individus se mêler du commerce des grains dont ils espéraient tirer de grands profits ; leur déception fut profonde lorsque Turgot vint jeter brusquement sur le marché pour plus de six millions de grains. Ge furent eux, à notre avis, qui provoquèrent cette fameuse guerre des farines qui fit de nombreuses victimes. Notre opinion est appuyée sur les causes de l'emprisonnement de l'employé Roland dont nous avons déjà parlé, et dont l’histoire est longuement développée dans la Bastille dévoilée?.

Le sieur Charles-Nicolas Roland, dont il est cas, était nè à Paris le 29 décembre 1729. Il avait été successivement ou simultanément receveur des tailles de l'élection de Chartres, caissier du sieur Watelet, receveur général des finances de la généralité d'Orléans, caissier du receveur général des domaines et bois de la généralité de Flandre. « Le samedi 45 octobre (1774), M. Albert, maître des requêtes, manda le sieur Roland, de la part de M. Turgot, contrôleur général des finances, et lui annonça que ce ministre-avoit jeté les yeux sur lui pour lui confier /& caisse où seroît versé le produit de la vente qu’il alloit faire faire de tous les grains appartenant au gouvernement (sous le règne de Louis XV), ainsi que la caisse et régie du droit de la sortie sur les grains passant à l’étranger; et que M. le contrôleur général, auquel il falloit qu'il rendit sa réponse le lendemain, à Fontainebleau, avoit attaché à ces places

1 Analyse de l'ouvrage intitulé : De la législation et du commerce des grains. Amsterdam, 1775, p. 10.

2 Bien que ses conclusions soient différentes des nôtres, il est intéressant de consulter Le journal de l'avocat Le Paige publié dans les Mémoires de la Société de l'histoire de Paris (1879, VI, 4 à 23), par M. Gazier. D’après M. Gazier, il faut voir dans la guerre des Farines le résultat des intrigues de Sartine et du Parlement Maupeou.