Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE VII 49

La situation, il faut l'avouer, était difficile pendant cet hiver de 1788. Les récoltes avaient été détruites sur une grande surface de la généralité de Paris, au mois de juillet précédent, par un orage de grêle dont on n'avait pas vu d'exemple ; jamais l'hiver n'avait été plus froid : les semences gelaient en terre! La disette aurait sèvi avec une rigueur excessive sans les sages précautions de l'administration. L’intendant se multiplie, il est partout à la fois. Arrive la réunion des États généraux ; la fermentation augmente et, en même temps. il faut pour Paris et Versailles des approvisionnements plus considérables. Bertier, en contact direct avec les populations, se rend un compte très exact du danger, il a senti l'orage gronder autour de lui : le consommateur qu’il a secouru ne lui sait aucun gré de son dévouement, le producteur ne lui pardonne pas d’avoir fait baisser le prix des grains à un moment où, les récoltes ayant été mauvaises, il avait besoin de vendre cher. Les colères, excitées du reste par les révolutionnaires, s'accumulèrent sur sa tête et nous savons comment il fut lâchement assassiné sur la place de Grève le 22 juillet suivant 1.

Malgré sa longueur, nous n'hésitons pas à citer en entier la lettre qu'il adressa à Necker le 18 mai 1789, lettre dans laquelle on pourraittrouver le pressentiment des malheurs qui l’attendent :

« À mon retour de la tournée dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte, mon premier secrétaire m'a montré une lettre que vous lui avez fait l'honneur delui écrire pour lui ordonner de mander aux maréchaussées de ne mettre aucun obstacle à l'expédition des bleds et des farines pour Paris.

« Les ordres dont il s’agit avaient déjà été donnés avant mon départ, et mon premier secrétaire les a renouvelés, suivant vos intentions. Mais, Monsieur, je ne puis vous cacher que ce changement dérange absolument le plan que vous aviez adoptè pour la sûreté des subsistances de la ville et de la généralité de Paris, conformément à l'arrêt du Conseil du 23 avril.

« Il me paroït d’ailleurs impossible que le régime prohibitif puisse

subdélégués et de leur rôle pendant l'hiver de 1788, nous engageons les lecteurs à consulter un excellent travail, plein de faits présentés avec la plus grande impartialité : Trois catastrophes à Pontoise en 1788-89. — La grêle, le grand hiver, la diseite, par E. Seré-Depoin. 1 vol. in-80. Pontoise, A. Seyès.

1. Nous reviendrons dans un travail spécial sur l’intendant de Paris et sur Foullon de Doué, son beau-père, deux administrateurs aussi intègres qu'éclairés, sur lesquels on a accumulé de mauvaise foi des calomnies ridicules.

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