Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

D4 LE PACTE DE FAMINE

Comme nous l'avons dit au début, rien n’est plus difficile à déraciner qu’une erreur reposant sur un fait matériel indéniable, mais interprété faussement.

Il est certain qu'il y avait une compagnie chargée de l’approvisionnement de Paris et que cette compagnie fut encouragée, voire même subventionnée par l'État.

On voit la filière du raisonnement populaire : il est vrai qu'il y a eu des disettes successives à Paris, à la fin du XVIII siècle. Or, puisqu'il y avait une compagnie chargée d’approvisionner Paris, il est évident que, s’il y a eu disette, c’est que cette compagnie n’a pas rempli son office et qu’elle spéculait sur la misère publique.

On nomma la compagnie, on indiqua en quel endroit se trouvaient les moulins, et la masse crédule répêta : Puisqu’il est bien établi qu'il ya une compagnie, et que néanmoins il y a disette, il est certain qu'il y a un Pacte de famine.

Voilà à quelles proportions il faut réduire l’argument calomnieux des pamphlétaires de la Révolution.

Ils ont pris un acte d'association n'ayant rien d’illicite, et entre les lignes du contrat ils ont voulu faire voir des monstruosités. A une lettre parfaitement avouable, ils ont ajouté des phrases quien dénaturent lesens. Cette lettretransformée est sans date, sans suscription, sans signature, sa provenance est douteuse, elle est simplement déposée chez le libraire Maradan. Et c’est cette grossière supercherie qui, avec la complicité de la crédulité, de la badauderie, de la haine révolutionnaire, crée l’acte d'association du Pacte de famine *.

Les écrivains qui ont nettement parlé du Pacte de famine d’après des documents plus ou moins exacts, sont : un hardi aventurier, le chevalier Rutledge, dans ses Mémoires”? pour les boulangers ;

1. Voir cette lettre aux Pièces justificatives, 1 p. 3. Voici, du reste, l'opinion de P. Clément sur l'authenticité de cette pièce : « Le Moniteur du 16 septembre publie une lettre de ces entrepreneurs, contenant des détails sur les odieuses manœuvres auxquelles ils auraient eu l'habitude de se livrer pour faire la hausse et la baisse. Mais cette lettre n’a nullement le caractère d’authenticité désirable et la crudité des prescriptions qu'elle contient annoncerait même qu'elle a été, sinon fabriquée en entier, du moins falsifiée dans un intérêt de parti. On croit reconnaître dans cette lettre et dans l’article qui lui sert de cadre, la main de Manuel, l’auteur de la Police dévoilée. » Op. cit. 401.

2. Mémoire pour la convmunauté des maîtres boulangers de la ville de Paris présenté le 19 février 1789. — Second mémoire pour les maîtres boulangers lu