Le règne de la vertu : la dictature de Robespierre

884 REVUE DES DEUX MONDES.

midor, la gauche robespierriste). Maximilien, par ailleurs, à sous la main la pépinière du futur état-major, cette École de Mars, fondée depuis peu et où vingt-cinq jeunes gens, vêtus à la romaine, reçoivent la visite du Maître avec un enthousiasme que nous a dit l’un d’eux : Le Bas dirige de haut ces jeunes prétoriens. Au surplus, le « général » Henriot livre l’armée de Paris, ce misérable Henriot qu'on appelle couramment dans le peuple « la bourrique à Robespierre. » La propriété rassurée et la religion vengée ont foi en celui-ci : les députés de la Plaine, un Boissy d’Anglas, un Durand de Maillane ont peine à ne lui être pas reconnaissans d’avoir abattu les énergumènes de la Révolution intégrale, et l’évêque Grégoire d’avoir ressuscité Dieu.

Et puis, — et cela maintenant se dit et se redit, — il est « l’homme de la vertu. »

Jamais la vertu ne fut plus magnifiée. Certes, Robespierre n’a fait qu'emprunter le vocable à la phraséologie sentimentale de Rousseau et de vingt autres ; tous les tribuns des assemblées, tous les orateurs des clubs, tous les commissaires dans les départemens l’ont employé à satiété ; Mirabeau, l'homme le plus immoral de son époque, a tonné au nom de la vertu, et c’est pour « le triomphe de la vertu » que Carrier a noyé, Barras et Fréron fusillé, Fouché et Collot mitraillé, Le Bon guillotiné. Tallien, oui Tallien, a parlé au nom de la vertu, et n'est-ce point la citoyenne Therezia Cabarrus, future citoyenne Tallien (on ne s'attendait guère à la trouver en cette affaire), qui, dans une adresse à la Convention du 5 floréal, dit par quels exercices « on exercera les jeunes filles à la vertu? » :

Mais voici l’apothéose de la vraie vertu après l’écrasement du vice hypocrite. Et soudain le pays devenu « spartiate » est tenu à la vertu. Dès le 16 germinal, la Convention vote un décret exigeant que chacun de ses membres rende un compte moral dé sa conduite pour s'assurer « qu’il n’est devenu plus riche qu’en vertus. » Grand exemple. Couthon a écrit : « Qui dit démocratie dit gouvernement vertueux par essence. » L'heure est venue, dira-t-il encore (cette fois à la tribune), de vouer « au mépris public... tous les êtres improbes et immoraux ; » et voici des précisions : il va falloir particulièrement proscrire « /e con-