Le Royaume de Monténégro : avec une carte

GOUVERNEMENT 61

meurtriers ou des personnes qui ont joué un rôle actif dans quelque vendetta. Il s’y trouve très peu de voleurs, car le vol est presque inconnu dans le pays.

Les exigences budgétaires s'opposant à leur séjour prolongé en prison, et l’application de la peine capitale ne nécessitant qu'une dépense très minime, le Gouvernement, de temps en temps, diminue, par ce moyen pratique, le nombre de ses pensionnaires. On fait des économies comme on peut, n'est-ce pas? Il s’écoule rarement plus de vingt-quatre heures entre la condamnation à mort et l’exécution.

A côté de ces rigueurs excessives, une grande mansuétude règne à l'égard de certains crimes qui, partout ailleurs, seraient sévèrement punis, et qui ne sont considérés que comme peccadilles par la justice monténégrine. C’est ainsi que ne sont jamais poursuivis : celui qui tue pour se venger d’une insulte, ni celui qui venge à son tour l’insulteur, mais à condition expresse que la vengeance se soit exercée immédiatement.

L'évadé est fréquemment poursuivi, pourchassé par ses codétenus, auxquels ne vient pas même l’idée de s'échapper à leur tour. Le plus souvent, cette chasse à l'homme donne de bons résultats et les prisonniers-policiers ramènent le fugitif après lui avoir lié les mains et mis les fers aux pieds.

Le Gouvernement s'occupe, jusque dans les menus détails, de tout ce qui se passe dans le royaume; il fixe même le jour où les bestiaux seront conduits dans les pâturages. La police est son enfant préféré : le service de la sûreté, très bien organisé, étend ses ramifications sur tout le territoire, surveillant de près les étrangers, et si l'un d’eux était assez mal avisé pour exprimer une opinion désobligeante sur Sa Majesté, dans quelque lieu public, on le forcerait vite à déguerpir. Un sujet de Nicolas subirait pour le même délit une punition bien plus sévère, car la liberté politique, telle que nous l’entendons, n’existe pas au Monténégro.

Les détails du service et de l’organisation dans les divers ministères et les administrations publiques sont parfaits. Les bureaux sont, en général, bien aménagés, la comptabilité ÿ est soigneusement tenue, l’ordre y règne et les autorités sont parvenues à

se faire respecter.