Le système continental et la Suisse 1803-1813

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succès! ; les années suivantes, les surrogats, perfectionnés, prirent place sur le marché. La plupart n’eurent néanmoins qu’une existence éphémère et s’éclipsèrent à la chute du système continental?. Il en est deux qui subsistèrent, laissant aux générations à venir le souvenir de cette époque : le café de chicorée et le sucre de betteraves.

De toutes les denrées acclimatées en Suisse au dix-huitième siècle, le café était la plus populaire. Le peuple en usait avec passion. Dans les Alpes, on le prenait le matin avec beaucoup de lait, souvent avec du sucre ou du miel5. Chez les ouvriers, enclins aux excitants, on le consommait à toute heure du jour. Dans les familles pauvres, on se privait souvent des choses les plus indispensables pour acheter du café qu'on mélangeait quelquefois, à cette époque déjà, avec du froment ou du seigle grillé #.

Pendant la Médiation, on suppléa à l'absence de la précieuse denrée tour à tour par le café de glands, de carottes séchées et pulvérisées, de graines de tournesol et autres combinaisons extraordinaires. Toutes ces recettes, annoncées dans les journaux, étaient avidement expérimentées 5. Dans

1 Allg. Ztg., 24 juin 1808, Jubilate Messe.

2 À Zurich, on chercha un surrogat au coton et on fit, sans résultats durables d’ailleurs, des expériences avec les graines de l’épilobe et les filaments de l’ortie. Quant aux surrogats fabriqués en grande quantité sur le continent pour remplacer les matières colorantes exotiques, notamment l’indigo, on ne les prépara guère en Suisse, semble-t-il. Les journaux et les revues se contentaient de citer le nom des plantes à vertus tinctoriales, le pastel, la garance, le safran, et la manière de les cultiver.

Arch. Zurich, Oek. Prot., 114, 2% juin 1807; X, 25 octobre 1807 ; Neuer Sammiler, 1803, p. 316 ; 1806, p. 387; 1811, p. 395.

3 Neuer Sammler, 1804, p. 290.

4 Musée neuch., 1875, p. 30.

5 Les feuilles d'agriculture du canton de Vaud proposaient le café de betteraves, de châtaignes rôties et de fèves. — Dans la Feuille d'avis de Neuchâtel, en 1808, Mme Fauche-Borel annonçait qu’elle avait reçu en commission du café d'Italie composé pour la moitié de bon café et pour l’autre d'amandes. Ce mélange qui se payait 75 c. la livre, aurait, d’après Mne Fauche, été approuvé par le conseil de la ville de Saint-Gall. — L’A/manach du Messager boiteux de 1807 publiait à propos de ces surrogais