Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

316 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

je ne parlerai que des charmants poèmes des Sépultures, de la Mélancolie et surtout du Mérite des femmes... Une secrète sympathie nous rapprochait sans cesse ; aussi c'était presque toujours auprès de Legouvé que je prenais place à ce foyer qui réu nissait tant d'éléments divers, pour captiver l'esprit, enflammer l'imagination, et donner une juste idée de la noble carrière des lettres.

« Terminons l’énumération des habitués du foyer français, qui contribuaient le plus à son charme, à son éclat, par les mots remarquables et les saillies piquantes dont ils étaient si prodigues. Parlons d’Arnault et de Baour-Lormian; le premier, auteur de Marius à Minturnes, d'Oscar et des Vénitiens, tragédies qui venaient d’obtenir un succès mérité, joignait, au talent du poète dramatique, celui de narrer avec une verve sardonique, et de donner, aux sujets les plus simples, un vernis de plaisanterie qui excitait le rire et piquait la curiosité. Ce n’était pas du fiel qui découlait de ses lèvres expressives ; mais souvent il enfonçait le trait avec une aisance, et surtout avec une malice qui faisaient faire foule autour de lui. Le second, Baour-Lormian, déjà connu par sa traduction du Tasse, venait de faire applaudir, avec transport, sa tragédie d'Omasis ou Joseph en Egypte, dont le style véritablement racinien avait réuni tous les suffrages, et bientôt, comme il le disait lui-même, lui fit enfoncer les portes de l'Académie française. Mais, ayant débuté dans la carrière des lettres par des Satires Toulousaines, empreintes d’une couleur remarquable, il avait cru devoir se livrer à ce genre si brillant et si funeste, en publiant les Trois-mots, dans lesquels il fustigeait d’un fouet presque aussi sanglant que celui de Gilbert, ceux qui semblaient s'opposer à ce qu'il vint s'asseoir au fauteuil académique. Ce fut principalement contre Lebrun-Pindare