Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

PÉRIODE THERMIDORIENNE. -— DIRECTOIRE ati

qu’il dirigea ses traits; et, comme celui-ci venait quelquefois visiter le foyer français, il s'élevait entre ces deux redoutables athlètes une petite guerre qui, sans blesser à mort, faisait de vives égratignures, dont s'amusaient les assistants. La lutte une fois établie dura longtemps : les deux ennemis étaient en fonds. On se demandait chaque soir, ce qu'il y avait de nouveau entre les deux combattants...

« Le vieux Pindare s'égaya sur le compte de ses détracteurs, et principalement sur La Harpe qu'il avait surnommé l’Apostat de la liberté. Legouvé, jeune encore, dont le nouveau Quintilien avait flagellé impitoyablement le brillant début dans la carrière littéraire, le comparaît au serpent qui couvre de son venin l'herbe naissante sous laquelle il se glisse. Lebrun feignant de prendre la défense de l’orateur du Lycée, improvisa le distique suivant qui fut répété par tous les assistants :

Non, La Harpe au serpent n'a jamais ressemblé : Le serpent siffle... et La Harpe est sifflé.

« Mais si parfois nos réunions devenaient une arène, où luttaient les uns contre les autres ceux cui se plaisaient à lancer les traits de l’'épigramme, l'oreille était bien plus souvent caressée par les mots d'âme, d'esprit et de goût dont le charme était inexprimable et qui se gravaient aisément dans la mémoire. Là, c'était le vénérable Ducis, qui nous faisait la peinture de son Petit logis. Ici, Lebrun-Pindare, qui n’aimait pas les femmes poètes, improvisait ces jolis vers :

Sitôt que la beauté compose, Vous voyez se ternir ses grâces, ses attraits : Elle parle, sans art, une si douce prose! L'encre sied mal aux doigts de rose; L'amour n’y trempe point ses traits.

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