Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 894

s'affranchir eux-mêmes, il s'en trouve dont le désir sincère soit de partager avec d’autres le bénéfice qu'ils auront obtenu. Encore est-il que ce n’est point ainsi et par effort individuel, que la liberté s’acquiert. En ce genre, personne ne réussit, personne ne triomphe, si tout le monde ne travaille côte à côte et surtout cœur à cœur. Il faut que l’œuvre soit nationale, sans quoi le résultat sera nul.

On nous dira peut-être que, même au regard de la liberté politique, le résultat, en France, n’est point nul et que même il est considérable, puisqu'il n’est plus nécessaire, pour exercer des droits électoraux, de payer deux cents franes d'impôt, et qu’actuellement tout citoyen vote. À cet argument nous répondrons par cet autre. Sous l'Empire aussi, chacun votait. Or, ceux de nos réformateurs qui professent aujourd’hui le plus haut qu’admettre tout le monde au scrutin suffit pour rendre les peuples libres, se trouvaient-ils assez libres sous l'Empire? Qu'ils répondent. — Ils répondront sans doute qu'alors l'instrument était faussé, faussé par les pressions administratives. Soit. Mais qui nous assure qu’on ne le faussera plus? — La république, dit-on. — Vivre en république, pourvu que ce soit la république, nous semble un sort très-acceptable. Mais c’est, en vérilé, se montrer bien naïf, que prétendre qu'être en république suffit à tout et tient lieu de tout ; que cet intitulé de gouvernement porte en lui-même ses bienfaits et ses garanties, et que, sous lui, un peuple est forcément heureux, glorieux, vertueux, tranquille et libre.

Les libéraux sérieux ne sauraient se payer de telles raisons. Derrière les mots ils cherchent les choses, et, quand les choses ne S'y trouvent pas, ils font bon marché des mots, de celui de république comme des autres. Pour eux, la liberté n’est pas dans la république toute seule, non plus au reste que dans la monarchie sans épithète et sans condition : elle est dans la liberté, et point ailleurs. Or, la première condition de la liberté politique, c’est la responsabilité des agents du pouvoir, et au sommet de celle-ci, la responsabilité ministérielle. Celte responsabilité, l'avons-nous vraiment? Sommes-nous parvenus, même depuis 1789, à l’établir d’une façon sérieuse et durable, nous qui parfois nous étonnons que, du temps des États Généraux, on ne l'ait point conquise? Vainement d'ailleurs mettrionsnous la liberté dans toutes nos lois : elle ne s’acclimatera chez nous que si, prenant racine dans les mœurs, elle découle enfin des habitudes, et surtout de cette humeur qui, chez d'autres nations, consiste à se montrer jaloux et respectueux du droit d'autrui, même de celui de son adversaire. Sans cela, nous ne garderons point notre liberté à nous. Mais cette qualité-là nous manque absolument ; c’est un de nos côtés les plus faibles. L’isolement dans l’action libérale,