Les complots militaires sous la Restauration, d'après les documents des archives

LES QUATRE SERGENTS DE LA ROCHELLE 249

Pommier et Goubin montèrent à leur tour, avec le même courage, et poussèrent le même cri. Quand Bories fut arrivé sur la plate-forme, il se tourna vers la foule et lui jeta ces paroles : « Rappelez-vous que c'estlesang de vosfilsqu'on faitcouler aujourd’hui(1).»

C’est par cette mort dramatique et touchante que les quatre sergents de La Rochelle sont entrés dans le cœur du peuple et qu'ils y restent. Le peuple ne s’est pas demandé si ces soldats n'ont pas failli au devoir militaire, si leur procès ne diminue pas leur légende. Il n’a vu en eux que la jeunesse héroïque, la fraternité jusque dans la mort, le dévouement absolu à la liberté.

Les historiens favorables à la monarchie ont fait comme ses magistrats. Ils n’ont vu, dans les quatre malheureux sergents, que les victimes des meneurs du parti libéral, de ceux que Marchangy appelait les seigneurs de la Haute Vente. Il est certain que ces chefs du libéralisme furent égoïstes et pusillanimes. Quand on veut défendre la liberté, il faut avoir le courage de l'avouer ; il faut savoir combattre et, au besoin, mourir pour elle. Les républicains

(1) Par une déplorable coïncidence, qui n’était peut-être qu'un audacieux défi, le soir de cette sanglante journée, il y eut bal

aux Tuileries pour l’anniversaire de la naissance d’une fille de la duchesse de Berry. Le public y répondit par ce distique indigné :

Louis sait se donner deux fêtes en un jour :

On égorge à la Grève et l'on danse à la Cour.