Les fêtes et les chants de la révolution française

XII PRÉFACE.

qu’il nous soit permis d’adorer… » : ainsi parlait le peuple à l’Assemblée dans une des journées décisives de 1792. « Seule divinité que le Français révère.… » : on chantait ce vers à l'Opéra devant la statue de Liberté. « Serments sacrés, saints combats, égalité sainte » : phrases courantes. Un conventionnel, appelle le 10 août une « sainte conspiration ». Un autre nomme le parti avancé « la montagne Sainte ». Vergniaud, dans un bel élan, en appelle à « la Sainte Humanité ». Rouget de Lisle disait : « Notre sainte constitution ». Pour tout le monde, son chant est «le chant sacré, le refrain sacré » ; et, quand on arrive à la strophe : « Amour sacré de la Patrie », c’est bien spontanément et sans aucune affectation que le peuple, dominé par l'émotion religieuse, se courbe et plie le genou.

Nulle époque, même au temps des luttes religieuses, ne fut davantage une époque de foi.

Elle fut de même une prodigieuse époque d'action. Aussi, celui qui cherche à surprendre le secret de l’âme du peuple en ces années uniques se trouve à tout moment arrêté et distrait par l’étonnant spectacle des manifestations de la vie extérieure. Jamais l'imagination populaire n’eut plus libre carrière : n’a-t-elle pas eu, tout bien considéré, une part décisive, irrésistible, dans les événements? Ceux qui prétendaient les diriger le savaient bien : ils ne se firent pas faute d'agir sur cette imagination par tous les moyens en leur pouvoir. La mise en scène révolutionnaire, tantôt spontanément établie par une inspiration générale, un courant de l'esprit public, tantôt savamment réglée, a toujours un caractère très particulier, et prodigieusement vivant. Parfois, le spectacle est terrible, puissant, plein d'une sombre grandeur, comme en ces journées du danger de la patrie, où tout concourt à porter l'émotion populaire au plus haut degré d’exaltation : tout le monde dehors, les rues pleines de gens demandant si demain l’armée étrangère sera dans Paris, l'inquiétude de la foule montant à l’exaspération, le tocsin, le canon d’alarme dominant tous les bruits, le drapeau noir, les bataillons partant d'heure en heure, à peine armés, le cortège guerrier de ceux qui vont à travers la ville, proclament l'appel désespéré : « La