Les fêtes et les chants de la révolution française
APPENDICE. 309
figurant tour à tour un représentant, une mère de famille, deux vieillards, un enfant, une épouse, une jeune fille, trois guerriers, et le chœur du peuple, et que l’armée qui vainquit à Fleurus ne comptait dans ses rangs aucuns interprètes destinés à cela. Voudrait-on objecter que cette exécution fut donnée par la musique militaire seule? Je répondrais alors que ce fut une belle première audition que celle du Chant du Départ « non chanté », par conséquent présenté pour la première fois à ses auditeurs sans les vers de Chénier! C'était bien la peine de raconter cela dans une préface aux œuvres du poète! Mais surtout, je dirais tout simplement que cela n'est pas vrai, par la raison que jamais ni Méhul, ni aucun compositeur de musique digne de ce nom, n’a eu ni la volonté, ni l'idée de faire une transcription purementinstrumentale d’une œuvre telle que le Chant du Départ avant de l’avoir fait entendre sous sa forme intégrale et avec les moyens d'exécution complets, moyens que Méhul n'était pas embarrassé de trouver à sa disposition, le jour où il en aurait besoin, en sa présence. Faisons observer enfin que rien, dans les documents authentiques, ne prouve, ni même ne permet de supposer que le Chant du Départ a été composé sur commande, ainsi que l’avancent certains auteurs, disant qu'on avait enjoint à Sarrette de faire écrire les paroles et la musique d'un nouvel hymne destiné à célébrer le cinquième anniversaire de la prise de la Bastille. Tout au contraire, nous avons vu que, pour le concert du 14 juillet 1794, la commission d’Instruction publique avait recommandé de composer le programme de morceaux connus.
Dernière remarque. Nous avons dit quelle était la situation de Chénier à cette époque ; mais il est bien vrai que, par la suite, il s’est un peu exagéré les dangers qu'il avait courus. Dans une épitre dédicatoire à Daunou, en tête de sa tragédie de Fénelon, il dit : « Je fus contraint de laisser longtemps anonyme le Chant du Départ, que les fiers accents
. de Méhul ont rendu cher à nos guerriers victorieux ». Or, la poésie du Chant du Départ a paru dans le Monileur du 2 thermidor an II, 20 juillet 1794, six jours après l'audition