Les filles de Louis XV : d'après des documens inédits et de nouvelles publications

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voyages de la cour étaient, on le sait, continuels. « Nous allons ce matin à Bellevue, où le roi s’est purgé; nous y retournerons sans doute tantôt, car ce matin cest avec la réine. Voilà neuf heures qui sonnent, et je suis déjà coiffée et.en grand habit. » Les déxotions Jui prennent un temps précieux qu'elle préférerait employer à ses correspondances, mais il ne lui est pas même permis de manquer au salut « sans une (espèce de scandale, ou sans donner matière à bien.des raisonnemens à éviter,» Du reste, elle déteste le maigre, mage « à Crever » comme ses sœurs, et, dans une missive à .don Philippe, ajoute.en forme de post-seniplumt : \ Dis à M.Rüé que son maraschin.est excellent pour.le goût, mais qu'il n’est, pas assez fort. » Elle aime toujours peu Je spectacle, elle oublie la comédie, manque une représentation de POrphelin de la. Chine où l’on avait fait jouer pour «elle Me Clairon. Puis il y a le jeu de la reine, l'inévitable cavagnole, où la bonne dauphine elle-même enyoyait maintenant à sa place une de ses dames. « J'allais d'écrire tantôt, mande l'infante à don Philippe, quand on est ent savoir de la part de la reine ssi je venais jouer: elle m'avait personne. J'ai donc été obligée de m'habiller et d'y aller. Je comptais que cetie belle action me porterait bonheur, mais je me suis trompée, j'ai perdu. »

Quant aux chasses, elle n'avait garde d'y manquer : non qu’elle y trouvât quelque contentement, mais elle-sayait qu'il n’y avaitpas de meilleur moment pour faire .sa cour au roi. « J'allai vendredi à la chasse, jy pensai pétir d'ennui, d'autant qu'il faisait un chaud affreux, et que nous fûmes toujours dans les plus vilains.endroits de la forêt, où nous pensâmes verser, et où les rochers augmentaient encore la chaleur du soleil. Nous les plantâmes là bien vite, et au retour nous vimes les plus beaux endroits du monde, où j'aurais bien voulu que tu pusses te {ronver transporté par ‘enchantement : quel plaisir j'en aurais ressenti! Le roi prit trois cerfs ce jour-là. » À Versailles, l’infante paraissait vivre.de la vie commune : en Tea lité, elle demeurait étrangère à ce qui l'entourait. Une idée fixe dominait,ses jours, hantait son sommeil, Ja suivait à sa table couverte de dépêches, galopait avec elle sur son cheval pendant les beures de buissons creux des chasses royales. Elle rêvait un « établissement honnête» pour don Philippe et pour ses-enfans. Elle se croyait, non sans apparence, quelque aptitude aux choses de la politique. Les circonstances l'ont fort mal servie; elle.n'en a pas moins montré jusqu'à la fin une rare activité d'esprit, un sens droit, une raison pratique fondée sur un certain nombre de notions exactes et justes. « L'abhé m'a dit, avoue-t-elle en parlant. de Bernis, que je serais un bon ministre des affaires étrangères. »

Les temps étaient mauvais. L'alliance autrichienne ne nous POI” tait pas bonheur. L'infante mande à don Philippe la noux elle du