Les hommes de la Révolution

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de 2.000 écus par an; il est vrai qu'il m'en promet 4.000 quand je serai arrivé à 3.000 souscripteurs (tant ces libraires sont juifsl). Au reste, _ ce n’est pas l'argent que j'ai en vue dans cette entreprise, mais la défense des principes. »

Bientôt les espérances du journaliste seront dépassées; le succès est immense. Alors il songe à réaliser un projet qu'il n'avait, jusqu'à ce moment, pas même osé caresser en rêve.

Fréron, son ami, l'avait présenté un jour à la famille Duplessis et, depuis, Camille, cordialement reçu, était revenu dans cette maison. Mais ce qui l'attirait surtout, c'était la jeune Lucile, une petite blonde ravissante. Pendant huit ans, Camille l’aima silencieusement. Il la rencontrait parfois avec sa mère, dans les allées du Luxembourg, mais le jeune homme râpé et sans le sou qu'il était avant la publication de son journal, ne pouvait élever aucune prétention sérieuse sur la fille du riche bourgeois, premier commis du contrôle des finances qu'était M. Duplessis.

Avant la rencontre des deux jeunes gens, Camille avait eu l'idée d'épouser sa cousine germaine, Flora Godard, mais les parents de la jeune fille avaient repoussé l’idée d'une telle union à cause des opinions politiques de Camille (1).

Pour Lucile, ce n'était pas la politique qui était l'obstacle, mais la pauvreté. Camille, du reste, n'était pas très beau (2) et Lucile était

(1) Lucile savait fort bien que Camille avait aimé sa cousine et elle en était jalouse,

(2) La Biographie de Leipsig parle de «son teint noir, avec quelque chose de sinistre dans le regard.» Georges Duval prétend qu'il avait le teint bilieux comme