Les hommes de la Révolution

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des Brissotins, dans son Discours de la Lanterne, dans ses pages les plus féroces, le besoin de faire des mots, envers et contre tous. Besoin terrible qui fait que personne ne trouve grâce devant lui et auquel il ne sut jamais résister. Peut-être, mieux conseillé, guidé dans d’autres voies, Camille eût-il fait moins de mal aux autres et à sa mémoire (1).

Tel était donc cet homme, resté enfant jusqu'à sa mort et qui joua un si terrible rôle pendant les journées révolutionnaires. Physiquement, nous l'avons vu, il était mal doué; il se plaignait amèrement de ne pas avoir «les moyens physiques de dire, à la tribune ce qu'il disait dans ses numéros.» Il reconnaissait volontiers qu'il n'était pas joli garçon (2). Mais, malgré sa faiblesse,

(1) Robespierre le conseilla souvent. Dans la séance des Jacobins, alors qu'il s'indignait contre les numéros du Vieux Cordelier, Camille lui répliqua: «Tu me condamnes ici, mais n’aije pas été chez toi? Ne t'aije pas lu mes numéros, en te conjurant, au nom “de l'amitié, de vouloir bien m'aider de tes avis et de me tracer le chemin que je devais tenir? » Robespierre ne put que balbutier: « Tu ne m'as pas montré tous tes numéros. Je n'en ai lu qu'un ou deux.» Au tribunal révolutionnaire, Camille accusa de nouveau Robespierre de l'avoir encouragé et poussé dans la voie où il se trouvait.

(2) Dans sa lettre à Dillon, il raconte une conversation; son interlocuteur lui dit: «Vous n'êtes pas un joli garçon. — Tant s'en faut, répondtil.» Les écrivains réactionnaires l'ont montré sous un jour repoussant, On connaît l'appréciation de Georges Duval qui ajoute: «Je l'ai revu bien des fois depuis: il ne m'a pas semblé plus beau. Il y en a, je le sais, qui ont voulu faire de lui, un joli garçon; mais ce sont des flatteurs ou bien ils ne l'ont jamais vu.»