Les hommes de la Révolution

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liberté et d'égalité. Il n'est même pas républicain. Peu lui importe que le peuple ait à subir un tyran, si c'est un bon tyran. On l’a vu. Il rêvait. d’une dictature momentanée, dont la seule raison d'exister aurait été de batailler contre les ennemis de la liberté et de les anéantir. Cette idée d'une telle dictature à paru quelque peu paradoxale et incompatible avec les sentiments d’un démocrate. Cependant, si l’on y réfléchit, aujourd'hui qu'on peut juger les événements avec tout le recul nécessaire, on est obligé de constater que l'idée de Marat n'était pas si ridicule. Il montra quelque clairvoyance en devançant le Comité de Salut public et la Terreur, comme il avait devancé Septembre en réclamant l'exécution des conspirateurs et des royalistes.

Aussi, avec de télles conceptions, malgré l'influence énorme, fantastique, que, grâce au don de. prophétie qu'il possédait, il exerça sur ses contemporains, Marat eut-il peu de disciples et de suiveurs. Anacharsis Cloots écrivait: « Marat est à peu près seul avec ses poignards comme Médée avec ses poisons. Le moi du grand Corneille pourrait s'appliquer à l’extravagant Marat (1)». Cloots avait raison. Les uns aimaient Marat, Les autres le craignaient. Aucun n'osait le suivre. Il était la Révolution elle-même avec ses menaces et ses exagérations. Il semblait que, lui vivant, comme le disait Camille Desmoulins, la Révolution ne pouvait déborder de son lit. Marat en était la digue et la limite. On ne pouvait aller au delà. Hébert ne fut possible que Marat disparu.

(1) Anacharsis Cloots: Nz Roland ni Marat.