Les hommes de la Révolution

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fois la gloire d'un individu (1). Les bons mots, Camille les sema, durant sa courte existence; ses traits touchèrent si juste qu'ils tuèrent parfois; mais, à côté de cela, le pamphlétaire de la France Libre eut de ces gestes spontanés, tout de courage et de générosité qui font absoudre bien des fautes et révèlent les natures supérieurement douées. ï :

Tel fut son premier geste, le 12 juillet 1780, geste qui fut un acte et grâce auquel il entra de plein-pied dans l’histoire. Jusqu’alors malgré de réelles dispositions à la poésie et la fréquentation de certains folliculaires, : Camille Desmoulins était demeuré inconnu et, petit avocat de Picardie, sans ressources et sans clientèle, il errait, à travers les rues de la capitale, râpé et besoigneux (2). Un bégaiement insurmontable lui interdisait les succès de la tribune. Sa verve et son esprit ne pouvaient guère se donner libre courg que dans des conversations et aucune feuille ne lui ouvrait ses colonnes. Il avait, à cetté époque, trente ans. Trente ans! c’est-à-dire l’âge où l’on jette un regard de regret sur le passé et où l’on envisage, avec terreur, un avenir que le présent prépare insuffisamment. Camille avait trente ans et il n'avait encore rien fait,

(1) Alors que Marat, tragique, bouillant de colère et de pitié, apparaît comme le prophète de la Révolution et s’attire des haïnes implacables, Camille, au contraire, moqueur et persifleur, gavroche de trente ans, amuse et blesse, mais ne réussit point à se faire prendre au sérieux, même par ceux qu'il attaque le plus cruellement,

(2) Chateaubriand, Aémoires d'outre-lombe.