Les serviteurs de la démocratie

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128 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE :

les discussions sur la liberté de la presse rendent ces discussions intéressantes au plus haut degré; elles sont encore instructives pour tous les écrivains et pour tous les législateurs.

C'était en octobre 1792, par conséquent, un mois après la proclamation de la République. L'exaspération des factions royalistes dépassait toutes limites. Menaces de mort, injures, calomnies étaient, prodiguées aux républicains. L'appel à l'étranger s’étalait cynique et odieux dans plusieurs feuilles bien pensantes. La Convention s’émut de ce débordement de scandales et de provocations antipatriotiques. Un des députés les plus éloquents de la Gironde, Buzot, exprima le sentiment général de la Convention et peut-être du public en demandant la répression immédiate et sévère des excitations dont la présse se rendait coupable. Buzot, à l'appui de sa proposition, fit remarquer que la République était à peine naissante, qu'elle avait besoin d’une protection spéciale, — enfin que ce serait folie de la livrer sans défense aux coups de ses ennemis les plus acharnés. Entrainée par l’éloquence du député girondin, la Convention allait voter des mesures répressives lorsque Lepelletier de SaintFargeau se leva : « Prenez garde, dit-il, sous prétexte de protéger la République, c’est à la pensée humaine que vous allez porter atteinte.

» On vous demande de punir la provocation au crime; mais, tant que le crime n'a pas été commis, la provocation n’est qu'un délit d'opinion; or, ces délits relèvent des mœurs et non des lois. Que l'opinion publique flétrisse l'écrivain provocateur, c’est bien; seulement, tant que ces excitations restent à l'état de velléités impuissantes, vous n’avez pas le droit de faire courir des dommages à la plus nécessaire