Les serviteurs de la démocratie

LOUSTAEOT 135 l'habitude de faire imprimer leurs discours à part et à leurs frais. Les feuilles de ce temps-là sont encore remarquables par l’absence de tout roman et le petit nombre des faits divers. On aimait la politique pour elle-même et le journal restait une école de doctrines.

Cette façon de comprendre la presse rendait difficile le rôle de rédacteur en chef; il fallait se préoccuper non seulement de bien penser, mais de bien écrire. Le style à la diable, la phrase incohérente n'étaient pas de mise et n'auraient pas été supportés.

Loustalot, par goût, par don de nature, appartenait à la race des véritables écrivains. Son maitre, c'était Rousseau, et son livre de prédilection, le Contrat social. Il ya de l'ampleur dans son style et de la puissance dans son argumentation. Il s’y rencontre aussi de la sensibilité. Loustalot, sous des dehors austères, cachait une âme tendre et passionnée; il aimait sincèrement le peuple, souffrait de toutes ses misères et se révoltait contre toutes les iniquités sociales. Loustalot était. digne de trouver le mot sublime écrit plus tard par Manin: Joule injustice me regarde !

Cette sensibilité exquise du publiciste de la Révolution, s’ajoutant à un labeur incessant, finit par user la santé de Loustalot, Il mourut en septembre 1790, et sa mort fut regardée par les libéraux comme une calamité nationale. Camille Desmoulins, Marat, Legendre prononcèrent sur sa tombe des paroles d’affection et de regret. Puis vint l'oubli, qui arrive si vite pour les journalistes.

Maisun jour, Loustalot ressuscita; il reparut avec sa gravité hautaine, sa vaillance admirable et sa passion du bien public. Ce fut sous la Restauration et pendant les premières années du règne de Louis-Philippe. Loustalot alors s’appela Armañd Carrel, et la feuille qu'il rédigeait,{ le National.