Les serviteurs de la démocratie

RIBEYROLLES 215

Ce noble esprit cachait soigneusement sa misère à tous ses compagnons d'infortune. « C’est bien assez, disait-il, qu'ils souffrent de la proscription, sans que je les importune de mes malheurs particuliers. » Après 1852, Ribeyrolles connut à Jersey, Victor Hugo. Le grand poète prit vite en amitié son compagnon d’exil. Ribeyrolles devint alors l’un des hôtes les plus intimes du prophète des Châtiments. Souvent, assis le soir, à la table du maïtre, exilé comme lui, Ribeyrolles émerveillait son hôte par la splendeur de son éloquence ; il se plaisait à parler des destinées futures de la patrie, et ces destinées, il les entrevoyait glorieuses. « La France, s’écriait-il, porte sur le front une couronne immortelle qui ne lui sera jamais enlevée, la couronne de la Révolution de 1789. »

Le proscrit du 13 juin se délassait de ses sévères travaux politiques, en composant des œuvres d’imagination, des romans d’un intérêt saisissant et d’un coloris magnifique, tels que la Fille de Milton et le Crime de Rocamadour, qu’il n’eut pas le temps de publier.

En 1865, on lui proposa d’aller au Brésil afin de préparer une grande étude sur l'Amérique du Sud. Ribeyrolles accepta et trouva la mort dans ce voyage. Il fut emporté en quelques jours par une fièvre pernicieuse.

On recouvrit la tombe dans laquelle il repose d’une pierre où son nom est gravé : puis au-dessous de ce nom respecté, six vers de Victor Hugo.

Aujourd'hui, qui se souvient de Ribeyrolles ? C’est le triste lot des journalistes d’être oubliés dès qu'ils cessert d'écrire. En vain quelques-uns de ces journaBstes se sont héroïquement tenus toute leur vie sur la brèche ; en vain ils ont lutté contre tous’ les despotismes coalisés. Au jour de la mort ils disparaissent dans l’abime du silence éternel.