Les serviteurs de la démocratie

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240 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

l'honneur de la démocratie, et en particulier Eugène Pelletan, son meilleur ami,

Après lecoupd'État du Deux Décembre 1851, Lamartine fut enseveli dans le grand silence de l'Empire. Nous le voyons reparaître en 1835 avec le Cours familier de littérature, œuvre inégale, mais renfermant de belles pages. Le grand artiste de la poésie française finissait en ouvrier de la liftérature. Il travaillait pour le salaire, pour le paiement de ses dettes, pour l’accomplissement de ses magnificences de grand seigneur. On a raillé celte vieillesse laborieuse et besoigneuse. Sans doute Lamartine a été imprévoyant, il n'avait rien de commun avec la fourmi de Lafontaine; mais l'argent qu'on lui a donné et qui était le prix de son travail n'a ruiné personne, tandis que son intelligence a illustré la France. Nous rougissons, quant à nous, toutes les fois qu'on soulève autour d’un pareil nom la question des gros sous. Lamartine est mort pauvre, après avoir exercé le pouvoir suprême et gardé pendant près d'un demi-siècle la dictature du génie. Cela est fâcheux pour nous, peut-être; mais cela ne doit lui enlever ni une reconnaissance, ni une admiration.

Ne soyons pas petitement bourgeois: lorsqu'un homme a versé sur une nation les rayons de sa gloire, ne lui appliquons pas, pour le condamner, les règles dont on se servirait à l'égard d’un industriel tombé en faillite.

Lamartine mérite toute notre admiration, tout notre enthousiasme, tous nos respecls. Il a proclamé la République sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Paris. Ce seul acte assure au grand poète la reconnaissance du pays; et ce n’est pas à l'heure où la France entière est en train d'élever une statue à Victor Hugo, le pius lyrique penseur des temps modernes, qu’elle oubliera celui qui vient immédiatement après lui,