Les serviteurs de la démocratie
306 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE
le combattant des barricades du droit aux Journées de décembre. C’est l’apôtre, c’est le prophète de Jersey et de Guernesey, de 1852 à 1870; c’est enfin le patriote admirable de ces dix dernières années.
Si l’on nous demandait d'indiquer par un seul trait le service éminent entre tous que Victor Hugo a rendu au pays nous répondrions: Victor Hugo a tué à tout jamais la dictature. En faisant voir dans Napoléon le Petil et dans les Châtiments, qu'on peut être un personnage acclamé, adulé, encensé, même alors qu’on manque non seulement de génie, mais d'esprit et de conscience, Victor Hugo a rendu la dictature méprisable. Pour devenir un dictateur, un homme de talent devrait se baisser; pour subir la dictature, une nation devrait s’abaisser. D'ailleurs, la dictature n’est pas seulement vile, elle est odieuse. Le Deux-Décembre aboutit à Sedan. Les catastrophes lamentables sont la conséquence des acclamations irréfléchies. Tout peuple qui croit à un homme plus qu'à lui-même est un peuple perdu. Nous ne l'avons que trop appris à nos dépens. Après avoir subi et expié la légende de Ja victoire, nous ne pouvons plus être victimes d'aucune légende, puisqu'il ne nous resterait, hélas! que la légende de la défaite. .
On demandait un jour à Victor Hugo quelle était, selon lui, la plus utile de ses œuvres. Il répliqua: les Châtiments. Et il ajoutait: « Ce livre a flétri le despotisme et empêchera sa résurrection en France. » Comme elle est vraie, cette parole! quiconque a lu les émouvantes poésies des Châtiments, doit être convaincu que c'en est fait de la dynastie impériale, et qu'il n’y a pas de lendemain pour les entrepreneurs de coups d'État. Il y avait autrefois pour le César romain un ruisseau qu'on ne pouvait franchir, — le