Les serviteurs de la démocratie
RE 1 Ë 46 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE l'enferme à la Bastille pour des vers satiriques qu'il n'avait pas composés. Mis en liberté dès que l'erreur judiciaire dont il était victime fut reconnue, il se rend auprès du régent Philippe d'Orléans :
« Monseigneur, lui dit-il, on m'assure que vous avez de la bienveillance pour moi. Je vous en remercie; mais je vous supplie à l’avenir de ne plus vous occuper de mon logement. » Le régent se mit à rire etexhorta Voltaire à la prudence. Inutile conseil. Voltaire était naturellement hardi lorsqu'il y avait un bon mot à dire ou une bonne action à faire. Le duc de Rohan ne tarda pas à s’en apercevoir. Ce grand seigneur rencontrant un jour Voltaire dans un diner se mit à le plaisanter lourdement sur son nom plébéien : « Quel est votre vrai nom? demanda-{-il: est-ce Arouet? est-ce Voltaire? — Jaime mieux, répliqua prestement le philosophe, créer mon nom que traîner le nom de mes ancêtres! » Le duc de Rohan ne répliqua point. Il n'était pas de force; mais à quelques jours de là üil fit tomber Voltaire dans un BHPCARERS et le fit bâtonner par ses laquais.
Voltaire vainement demanda réparation d'honneur au brutal gentilhomme. Celui-ci obtint contre son ennemi une lettre de cachet, et pour éviter la Bastille Voltaire fut obligé de quitter la France. Quelle époque que ce bon vieux temps où un Rohan qui n’était, suivant une spirituelle expression, que l'ombre de ses ancètres, avait le pouvoir de faire emprisonner l'esprit et l'honneur français dans la personne de Voltaire !