Les serviteurs de la démocratie

JEAN-JACQUES ROUSSEAU 55

Il eut pour disciples des hommes qui exagérèrent ses idées, Robespierre, par exemple, et des admirateurs plus dignes de sympathie, Louis Blanc entre autres. Robespierre fit sortir du Contrat social la détestable théorie du salut public. Il fit de l'échafaud un instrument de règne et il obtint pour résultat, suivant l’expression de Louis Blanc lui-même, « d’effrayer l'Europe et d'éreinter la Révolution ».

La politique d'abattoir que suivit le comité de Salut public aurait perdu la Révolution, si la Révolution avait pu être perdue.

Il faut oser le reconnaitre, Rousseau dans quelquesunes de ses œuvres, et ses disciples dans plusieurs de leurs actes, ont méconnu l'excellence de la liberté. Ils ont abouti au jacobinisme, — doctrine explicable peut-être quand l'étranger occupe une partie du territoire, mais sans justification possible en temps ordinaire.

Si le suffrage universel devait aboutir comme forme de gouvernement à une tyrannie collective ou à une tyrannie anonyme, le suffrage universel manquerait à son principe et à ses devoirs.

Théoriquement, le suffrage universel, c’est le gouvernement de tous dans l'intérêt de tous. Pour que ce gouvernement soit une vérité, il ne faut point qu'un groupe, qu'une fraction quelconque de citoyens s’empare jamais d’une puissance qui appartient à tous.

Nous ne voulons pas plus la tyrannie d’un comité de Salut public que la tyrannie d’une Commune ou la tyrannie de races et de classes privilégiées. Le suffrage universel n’est pas un composé d'enfants qu’on mène à la lisière. C’est un ensemble d'hommes capables de se diriger eux-mêmes; il n’a besoin pour prospérer que d’une chose : la liberté.

Rousseau a plaidé avec talent la cause de l'égalité