Lettres inédites de général G.-H. Dufour (1807-1810)

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un peu de repos, aussi en profite-je pour t'écrire quelques mots et te les envoyer par une occasion qui se présente.

Nous travaillons beaucoup ; mais la diversité de nos occupations empêche de sentir la fatigue ; nous travaillons à la Charpenterie depuis quelques jours ; auparavant nous faisions les dessins nécessaires à la coupe des pierres. M. Hassenfratz !, celui dont tu m'as parlé comme auteur d'un ouvrage de Charpenterie, nous a beaucoup amusés ces derniers jours par des expériences sur l'Electricité.

Le (Général est venu passer la revue Dimanche passé ; les Elères ont montré un esprit militaire auquel je ne m'attendais pas et qui m'a fait beaucoup de plaisir ; dans les grandes circonstances, on déploie notre drapeau; il s'agissait de l'aller chercher, c’est alors que chaque compagnie a fait valoir ses droits; ceux de la mienne ont prévalu ; nous sommes en conséquence partis, quatre tambours à notre tête, et nous avons escorté le porte enseigne jusque chez le Colonel, nous avons eu l'honneur de recevoir le premier salut du drapeau ? et de le reconduire d’un pas lent et mesuré jusqu'au milieu des rangs de notre bataillon ; les autres compagnies témoignaient cependant leur mécontentement par leur murmure et par quelques coups de sifflet; les anciens surtout ont fait beaucoup de tapage; ils ne pouvaient souffrir que des conscrits eussent le pas sur eux; nous leur avons cependant bien montré que nous étions dignes de cet honneur, car le Général, après avoir fait manœuvrer pendant longtems chaque compagnie en particulier, a félicité

1. Jean-Henri Hassenfratz, 1755-1827, membre de l’Institut, alors professeur de physique à l'Ecole polytechnique. L'ouvrage auquel il est fait allusion est son Traité de l'art du charpentier, paru en 1804.

2. Le drapeau de l'Ecole polytechnique lui avait été donné par Napoléon, lors de la grande distribution des aigles au Champ de Mars, le 3 décembre 1804. Ce drapeau avait une hampe en bois peint et verni en bleu, protégée en bas par uné armure en cuivre et surmontée de l'aigle impériale. Le corps était un carré formé par un losange de taffetas blanc bordé d'une branche de laurier peinte en or et terminée par des triangles alternativement bleus et rouges, garnis de couronnes du même feuillage. Le champ portait deux inscriptions en lettres d’or, d'un côté : L'empereur des Français aux élèves de l'Ecole polytechnique ; de l’autre : Tout pour la patrie, les sciences et la gloire.