Lettres inédites de général G.-H. Dufour (1807-1810)

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de t'envoyer quelques mots. J'espère que vous vous portez tous aussi bien que moi; je puis t'assurer que je n'ai pas eu une heure de malaise depuis que je suis à l'Ecole.

Nous avons le beau tems, depuis quelques jours et nous en profitons autant qu'il est possible ; c'est-à-dire les Diman2 onze heures jusqu'à huit heures et demi du

les mercredis et vendredis depuis deux heures et demi jusqu’à cing heures moins un quart ; je ne sors cependant que les Dimanches, car les jours de semaine on ne peut guère {s'éloigner et les rues de Paris ne sont pas si charman-

soir

tes pour qu'on les arpente par pur plaisir ; nous avons d’ailleurs la Bibliothèque qui est ouverte ces jours-là, on y trouve tout ce qu’on veut, soit en livres, soit en gravures qui sont les collections de tableaux renfermés dans tous les Musées ; les consignés ont de plus le plaisir de faire l’exercice ces jours-là, ils sont à suer quand les autres Elèves s'amusent : ils ont un air assez plaisant pour ceux qui les voyent pour la première fois ; ils sont obligés de manœuvrer avec une seule guêtre, ce qui fait qu'on nomme les habitués de la consigne, Les chevaliers de la guêtre. On ne voyait jamais qu'avec une guêtre un petit Hollandais qui nous a quittés depuis quelques jours, à cause de sa faiblesse ; il se qualifiait du titre de grand maïtre de l'ordre ; tu dois bien penser qu'on ne m'a pas encore jugé digne d'être au rang des chevaliers, pas même des aspirans à la chevalerie.

Nous avons été ce matin (Dimanche) pour la première fois faire l'exercice au champ de Mars ; nous nous sommes levés à quatre heures, et nous sommes partis à quatre heures et demi afin d'arriver au champ de Mars à cinq heures et demi et de manœuvrer à la fraîcheur. Le cafetier notre voisin n'a pas manqué d'y venir avec une cinquantaine de bouteilles de vin, et autant de bierre ; il n'y en a pas eu cependant la moitié assez : il fallait voir comme on se jettait dessus; et comme chacun tirait de son coté pour chercher de l’ombrage et un endroit commode pour vuider sa bouteille entre deux ou trois Elèves ; depuis l'endroit où j'étais on découvrait