Lettres inédites de général G.-H. Dufour (1807-1810)

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Pierre-Philippe Fazy était né le 20 juin 1766, à Moscou, où son père, Jean Fazy, était horloger de la Cour impériale {. Son mariage le retint à Genève et lui fit refuser les offres fort avantageuses qui lui vinrent de Russie ?. Mais ses opinions libérales, son mariage, considéré comme une mésalliance, ses relations avec son beau-frère Bénédict, indisposèrent à son égard la famille de son père et le privèrent de tout appui dans l'exercice de sa profession.

Bénédict Dufour, avec d’autres associés, acheta un bien d’émigrés : le chateau et la terre de Montrotier, près Annecy, et il s’y fixa avec sa famille, pour diriger l'exploitation de ce domaine. Lorsque son fils Guillaume-Henri fut d'âge à suivre les écoles, il l'envoya à Genève, et ce fut là que Pierre-Philippe Fazy, très attaché à la famille de sa femme, le reçut chez lui, au quartier industriel de St-Gervais, rue de Chantepoulet.

Dufour suivit donc les cours du Collège de Genève, puis, pendant quelque temps, fit de vagues études de médecine, et des études non moins vagues de lettres ; seule la physique l’intéressait sérieusement.

Par hasard, il apprit un jour d’un nommé Bridel, habitant au Terraillet, l'existence de l'Ecole polytechnique de Paris, alors gratuite, et dont les élèves étaient dispensés de la conscription à. Cet entretien avec Bridel fut son arbre de Vincennes ; il prit la résolution d'entrer à l'Ecole polytechnique, et il obtint de son père l'autorisation d'entreprendre les études préliminaires indispensables. Il acquit des connaissances mathématiques, se familiarisa avec la géométrie descriptive et fortifia son corps par des exercices physiques.

Enfin Dufour passa, à Genève, son examen d'admission à l'Ecole polytechnique ; sans être bien brillant, cet examen n'était pas de nature à lui ôter tout espoir d'être admis. Mais aucun avis de Paris ne lui parvint. Les cours y avaient commencé le 1e" novembre 1807, et l’on était déjà au mois de décembre, lorsque Dufour — qui avait perdu toute confiance — reçut une lettre du

1. Jean Fazy est mentionné par Waliszevski dans son ouvrage Autour d'un trône (p. 126) comme italien.

2. Nous devons ce renseignement, comme plusieurs autres, à la grande amabilité de MM. Henri et George Fazy.

3. Genève, depuis 1798, était française.