Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

102 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

Angleterre la question de la spoliation des tableaux et des statues : « Le prince régent, dit-il, désire en avoir quelques-uns pour les placer ici dans un musée ou une galerie. Les gens de goût, les ertuoses encouragent cette idée. Les hommes raisonnables penchent en général pour la restitution aux anciens possesseurs, mais ils pensent avec raison que nous y avons de meilleurs titres que les Français, si

‘une guerre légitime constitue un titre en pareille matière, et ils trouvent que ce serait une fort mauvaise politique que de laisser à Paris ces trophées des victoires françaises. Ne peut-il donc y avoir quelque compromis sur cette question? »

Lord Castlereagh dut céder à cette insistance. La question d’ailleurs n’était plus entière. La Prusse, les Pays-Bas, élevaient pour leur compte des réclamations qui se présentaient, surtout de la part du cabinet de La Haye, sous un aspect particulièrement favorable à raison des circonstances dans lesquelles avaient été enlevés les objets d’art dont ils réclamaient la restitution. Louis XVIIL s'était laissé aller à faire au roi de Prusse des promesses qui rendaient difficile pour ses ministres une résistance absolue. Lord Castlereagh en prit occasion d’entretenir les ministres alliés de l'ensemble de l'affaire. I1 les trouva unanimes à penser qu'il y avait une résolution à prendre, mais assez embarrassés pour établir le principe sur lequel elle serait fondée. « Leur disposition, écrivait-il le 17 août, est de faire beaucoup dans le sens de ce qu’on réclame, mais non pas cependant d'exiger une restitution totale. L'idée de distinguer ce qui est uniquement le fruit de la conquête de ce qui a été cédé par un traité ou acheté se présente comme une base que l'on pourrait adopter... Il y à encore une autre question à examiner, c’est celle de savoir si les dépouilles des pays dont la réunion à la France avait été reconnue par toute l'Europe, par exemple des Pays-Bas, ne lui appartiennent pas à meilleur titre que les autres. » Dans cet état de choses, il est probable que si le gouvernement français eût voulu se prêter à une transaction, il eût conservé une portion plus ou moins considérable de ce qu’on hésitait tant à lui reprendre. C'eût été le vœu de la Russie, qui semblait même disposée à protester contre l'emploi de la force de la part des alliés; mais M. de Talleyrand, qui, en ce moment, n'avait pas encore quitté le ministère, était d’avis qu’il valait mieux, dans l'intérêt du roi, paraître céder à la violence que de consentir au plus léger sacrifice; il le déclara formellement au duc de Wellington. Suivant toute apparence, prévoyant la nécessité où il allait se trouver lui-même d'abandonner le pouvoir, il voulut se donner l'honneur d’une résistance opiniâtre, dont les conséquences et les embarras retomberaient sur ses successeurs. Déjà les Prussiens avaient mis la maïn sur les tableaux appar-