Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 104

notre titre primitif à la possession de ces monumens d’art, que l'Europe, en nous les laissant en 1814, avait validé cette possession, et que le moment était mal choisi pour revenir sur cette confirmation, alors que les étrangers reparaissaient au milieu de nous en qualité d'amis et d’alliés du roi; on oublie surtout que si bon nombre de ces tableaux et de ces statues n'avaient été acquis à la France que par la force et sans aucun consentement de leurs anciens propriétaires, d’autres nous avaient été cédés par des traités formels, après une guerre régulière, en déduction de sacrifices d’une autre nature, et que de nouvelles conventions eussent été nécessaires pour annuler le droit que ces traités nous avaient donné. Ge qui est certain, ce qui ressort d’une manière irréfragable de la correspondance de lord Gastlereagh et du duc de Wellington, c’est que la question ne leur parut pas alors aussi simple qu’on a trouvé bon de le supposer depuis. C’est lord Liverpool qui en prit l’initiative peu de jours après l’entrée à Paris des armées anglaise et prussienne. Le 15 juillet, il écrivit à lord Castlereagh cette lettre, si profondément empreinte de la haine qu’il portait à la France : «.… Le prince régent m'a particulièrement chargé d’appeler votre attention sur les collections de statues et de peintures que les Français ont pillées en Italie, en Allemagne et dans les Pays-Bas. De quelque manière. qu’on en puisse disposer, soit qu’on les rende aux pays où elles avaient été prises, soit qu’on les partage entre les alliés, les armées coalisées ont sur elles, par la conquête, les mêmes droits par lesquels les armées françaises les avaient acquises. Il est très désirable, au point de vue politique, de les faire sortir, s’il est possible, du territoire français, car tant qu’elles y resteront, elles ne peuvent manquer de faire vivre dans la nation française le souvenir de ses anciennes conquêtes et d'entretenir son esprit militaire et sa vanité. Vous me direz en temps et lieu quels vous paraissent être à cet égard les sentimens des autres souverains alliés. »

Il semblerait que cette lettre prit lord Castlereagh tout à fait au ‘dépourvu : il s’empressa de répondre que l’on n’amènerait jamais l'empereur Alexandre à appuyer de pareilles répétitions, et qu'il doutait même que l’Autriche s’y prêtât; il ajouta que le duc de Wellington les jugeait imprudentes, que lors de la capitulation de Paris il s'était refusé, il est vrai, à l'insertion d’un article demandé par les commissaires français pour la garantie des monumens et des objets d'art, mais qu’en même temps il les avait engagés à compter sur la bienveillance habituelle des souverains. Ces argumens ne parurent pas péremptoires à lord Liverpool. Dans une seconde lettre, non moins singulière que la précédente, et qui avait au moins le mérite d'une grande naïveté, il parla de la forte sensation que produisait en

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