Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

100 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

que l’on devrait préférer, c'était le Sénégal, parce que la possession de ce pays faciliterait beaucoup la répression de la traite.

Les correspondances politiques dont je viens de faire quelques extraits ne peuvent laisser aucun doute sur les sentimens de défiance et de haine que portaient jusque dans l’œuvre de la paix quelques-uns des ministres anglais. Ces sentimens éclatent plus vivement encore dans une lettre que lord Liverpool écrivit à lord Castlereagh pour appeler son attention sur la nécessité de veiller à la sûreté des troupes anglaises qu’on allait laisser en France — et à celle du duc de Wellington lui-même, chargé du commandement de l’armée d’occupation : « Nous ne devons pas perdre un seul instant de vue, lui disait-il, qu'avec quelque humanité et quelque indulgence que nous ayons traité les Français, il nous haïssent beaucoup plus qu'aucune autre nation, et qu'ils se jetteraient avec empressement dans toute entreprise tendant à la destruction des forces mêmes qui les ont sauvés, s'ils croyaient seulement avoir quelque chance d'y réussir. »

On connaît maintenant l'esprit qui avait dicté les clauses du fameux traité du 20 novembre 1815; bien rigoureuses encore, malgré les adoucissemens apportés aux exigences primitives d’une partie © des cours alliées, ces clauses le parurent d’autant plus au peuple français, qu'il ignorait de quels sacrifices bien autrement cruels il avait été menacé, et que le gouvernement lui-même n’en avait eu une connaissance précise que lorsque le danger était déjà presque passé. Le duc de Richelieu, qui venait de remplacer le prince de Talleyrand à la présidence du conseil et au département des affaires étrangères, dut se résigner, la mort dans l’âme, à inaugurer par la signature d’un tel traité l'exercice d’ün pouvoir qu’il n’avait accepté qu'avec répugnance et par un devoir d'honneur. Les chambres votèrent, dans un morne silence, les crédits nécessaires pour acquitter les obligations que la France venait de contracter.

Un incident dont l’opinion publique n’avait pas été beaucoup moins affectée que de ce désastreux traité, c’est l'enlèvement des tableaux et des statues conquis dans les diverses contrées de l'Europe pendant le cours de nos victoires, et qui nous furent repris alors, bien qu'on nous les eût laissés en 1814. Longtemps cette spoliation du Musée, comme on l'appelait, a été en France le texte des déclamations les plus passionnées et a soulevé dans les esprits la plus vive indignation : il y avait dans ces déclamations une exagération évidente; mais, comme il arrive toujours parmi nous, elle n’a cessé que pour faire place à une exagération contraire. Aujourd’hui beaucoup de gens, dans les opinions les plus diverses, ne semblent plus même comprendre que la revendication faite par les alliés ait pu rencontrer une objection. On oublie, quel que fût