Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

40h LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

par le désir de se concilier le bon vouloir de l’armée française; mais après la conduite qu’elle avait tenue, de tels égards n'étaient plus de saison, et le devoir des souverains était de rendre justice à leurs sujets plutôt que de flatter une nation étrangère. « Les regrets des Français à ce sujet, disait-il, ne peuvent être inspirés que par la vanité nationale. Il est d’ailleurs désirable, sous bien des rapports, pour leur bonheur comme pour celui du monde, que s'ils n’ont pas déjà compris que l'Europe est assez forte pour les mettre à la raison, on le leur fasse enfin sentir, et qu'ils sachent que, quelle que puisse être à un moment donné l'étendue de leurs succès partiels contre une ou plusieurs des nations européennes, le jour de la rétribution ne peut manquer d'arriver. » Cette lettre ayant été communiquée à lord Liverpool, il en fut si satisfait, qu'il témoigna le désir de la voir publier. Je ne sais si je me trompe, mais elle me paraît écrite avec le sentiment de dépit et d’irritation qu’éprouve un esprit honnête et droit forcé de soutenir une opinion dont la vérité ne lui est pas pleinement démontrée. Il semble que le duc de Wellington ne soit pas bien convaincu de la validité des argumens qu’il développe en termes si amers, et qu’obligé de prêter son concours à des actes qu'il n’approuve pas, la mauvaise humeur qu’il ressent d’une telle contrainte s’épanche dans la violence inaccoutumée de son langage contre ceux mêmes qu’il se voit dans la nécessité de maltraiter.

C’est d’ailleurs la seule occasion où il ait pris, à cette époque, une attitude hostile et blessante à l’égard de la France. Sauf cette unique exception, il se montra constamment le défenseur de ses intérêts, l'adversaire des mesures de rigueur qu'on voulait faire peser sur elle. D'où vient donc que son nom n’a jamais été populaire parmi nous, tandis qu’une certaine faveur n’a cessé, à travers tant de changemens et de vicissitudes, de s’attacher à celui de l'empereur Alexandre? Ce serait mal connaître l'esprit français que d'attribuer uniquement cette espèce d’ingratitude au souvenir pénible des échecs que le duc de Wellington avait fait éprouver à nos armées. Il n’est pas dans notre nature de conserver longtemps de semblables ressentimens. C’est dans le caractère mème du héros britannique qu'il faut chercher la solution de ce problème. Doué d’un bon sens énergique, d’une intelligence droite et ferme plutôt que très étendue, d’une raison que les passions n’aveuglaient pas, mais qui n’était pas complétement à l'épreuve des préjugés et des habitudes d'esprit de son pays, juste, consciencieux, inébranlablement et scrupuleusement fidèle aux idées de devoir et d'honneur plutôt que bienveïllant et généreux, il eût été difficile qu’il éprouvât beaucoup de sympathie pour la nation française, telle surtout qu’elle lui apparaissait dans