Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 105

ses incessantes révolutions, qu'il jugeât ses défauts avec indulgence, et même qu'il appréciât en elle des qualités d'enthousiasme et d’élan auxquelles rien ne répondait en lui. En réclamant pour la France ce que lui paraissaient demander la justice et la prudence, il obéissait à la voix du devoir. et de la politique, mais nullement aux inspirations d’une bienveillance particulière. Il avait d’ailleurs trop de franchise et d’orgueil pour affecter des sentimens qu’il n’éprouvait pas. À la différence de l’empereur Alexandre, qui aimait la popularité, et qui comprenait très bien qu’on gagne le cœur des hommes en flattant leur amour-propre, en leur témoignant de l'estime et de la considération, bien plus encore que par les services qu’on peut leur rendre, le duc de Wellington, satisfait d’avoir accompli ce qu'il considérait comme une obligation morale ou officielle, ne faisait rien pour se concilier l'affection et la reconnaissance de ceux qu’il protégeait le plus efficacement. On aurait pu croire même, en quelques circonstances, qu’il préférait dissimuler ses bons offices, de peur qu'on ne se méprit sur les motifs qui l'avaient fait agir. Jamais homme public ne fut plus loin, en ce sens comme dans tous les autres, des manéges du charlatanisme. L’horreur qu'il en avait le poussait à un excès contraire, celui d’une sécheresse, on pourrait dire d’une rudesse, dont le curieux recueil de ses dépêches porte des traces nombreuses. Si, par exemple, pendant son commandement en Espagne, il rend compte à son gouvernement des précautions multipliées qu’il a prises pour assurer aux prisonniers français les meilleurs traitemens, les soins les plus recherchés, il se hâte d’ajouter, de peur sans doute de paraître courir après les honneurs de la philanthropie, qu’on doit bien penser que son unique but, en prescrivant ces bons traitemens, est d’en procurer de pareils aux prisonniers anglais. Si en France les excès commis par les troupes alliées, et surtout ceux de quelques-uns des corps placés sous ses ordres, excitent chez lui une indignation, exprimée même, en certaines circonstances, avec une violence, un emportement qu'on peut trouver exagérés, il ne faut pas croire qu’il essaie de s’en faire un mérite auprès de ceux dont il défend les intérêts avec tant de vivacité : — bien loin de là, c’est sur un ton de colère, c’est avec des récriminations souvent outrageantes qu’il répond aux plaintes qui lui parviennent, et dont il se réserve pourtant, à part lui, de tenir bon compte. Il est évident que la dureté de son langage tient précisément au dépit qu’il éprouvait de n'être pas en mesure d'empêcher les excès qu’on lui signalaït : ne pouvant les nier, il récriminait. De même, nous l’avons vu, après s’être d’abord montré contraire à la pensée d’enlever du Louvre les monumens d'art, avancer, à l’appui de cet enlèvement, lorsqu'il se vit forcé d'y prêter la main, moins des raisons que des injures. De