Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

CONFÉRENCE DE PARIS ET CONGRÈS D'AIX-LA-CHAPELLE. 409

faud politique se dressait déjà, les prisons étaient encombrées, et la chambre, loin de penser à arrêter ces excès, demandait des supplices, des confiscations, l'abolition des lois nouvelles, le rétablissement de la plupart des institutions de l’ancien régime. Le gouvernement n’opposait encore à de telles fureurs qu’une molle résistance; les alliés s’en effrayaient d'autant plus qu’ils connaissaient et peut-être même s’exagéraient la faiblesse réelle du parti qui abusait ainsi d’un ascendant passager. Aussi craignaient-ils qu’en entraînant la royauté dans ces témérités déplorables, en la mettant aïnsi en butte aux ressentimens de la grande majorité de la nation française, on ne préparât une nouvelle et prochaine catastrophe.

Les lettres dans lesquelles lord Castlereagh et le duc de Wellington rendaient compte à leur gouvernement de cet état de choses sont remarquables surtout parce qu’on y trouve l'expression significative de leur bon vouloir pour la dynastie qu’ils venaient de replacer sur son trône et qu'ils défendaient contre des hostilités de toute nature, comme aussi des inquiétudes qu'ils éprouvaient sur son avenir et des efforts qu'ils faisaient pour se rassurer et pour rassurer le cabinet de Londres, plus inquiet encore :

« Le roi, écrivait lord Castlereagh le 14 septembre 1815, par conséquent quelques jours avant la réunion des chambres et même avant la retraite ‘de M. de Talleyrand et de Fouché, le roi, avec de la fermeté, une politique franche et droite et en contenant les royalistes, peut trouver dans les hommes qu'a élevés la révolution de quoi former un parti capable de gouverner; mais du parti de la cour et des royalistes de haute volée, il ne peut tirer; dans les conjonctures actuelles, que faiblesse et confusion. — On ne peut mettre em doute le dévouement royaliste de la nouvelle représentation nationale : s’il pouvait être modéré au lieu d’être surexcité par la cour, les ministres y puiseraient une force qui les mettrait en état de surmonter tous les obstacles. Les bonapartistes et les jacobins, contenus et surveillés, tomberaient bientôt dans l'insignifiance.— Mais je crains que le jeu ne prenne une autre direction. La cour, c’est-à-dire Monsieur et la duchesse d'Angoulême, — va probablement avant tout exciter les royalistes à courir sus à Fouché, comme au membre le plus odieux du cabinet, et puis au gouvernemerit tout entier. Elle sera soutenue dans ces tentatives par les jacobins, qui ne désirent rien tant que de voir les royalistes appelés au pouvoir, parce qu’ils pensent que c’est un moyen infaillible de coaliser contre la cour toutes les forces de la Tévolution et d'augmenter les chances du renversement des Bourbons ou au moins de la branche aînée de cette maison. — En réalité, on me semble créer à plaisir le parti d'Orléans, qu'avec un peu d’habileté on aurait bientôt fait complétement évanouir, le duc n'ayant pas beaucoup d’adhérens qui lui soient attachés pour des motifs tenant à sa personne. Ce qu’on voit en lui, c’est une ressource éventuelle contre les vues connues ou supposées des autres branches de sa famille. — Je vois cette situation avec d’autant plus de peine que, dans ma conviction, elle conduira à des troubles intérieurs et à des luttes de