Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD GASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 61

prouvait assez que ses dispositions n’avaient pas changé. Rien ne semblait donc s'opposer à ce que la France favorisât les projets de l'empereur, et peut-être, en lui prêtant un appui qui eût rendu toute opposition impuissante, pouvait-elle se flatter de l'espoir d’obtenir, dans l’arrangemeñt général des affaires de l’Europe, quelque dédommagement pour les pertes que lui avait infligées la paix de Paris. Il est d’ailleurs à remarquer que ces projets rentraient, à quelques égards, dans ce qu’on pouvait considérer comme les convenances particulières de la France. Les Polonais avaient été nos fidèles alliés pendant vingt ans de guerre, et des arrangemens dont le résultat semblait leur rendre une nationalité, une organisation politique, ne pouvaient contrarier le sentiment populaire, qui dès lors leur était si favorable parmi nous. Quant au roi de Saxe, transféré dans les provinces rhénanes comme le voulaient les cabinets de Russie et de Prusse, il y serait presque nécessairement devenu le protégé, l’allié de la France; il eût grandement augmenté notre inÎluence dans cette partie de l’Europe, et cette considération, qui n’échappait pas à la sagacité jalouse de lord Castlereagh, n’était pas une de ses moindres objections contre le plan des cours du Nord. Il lui convenait beaucoup mieux que les provinces du Rhin, détachées du territoire français par le traité de Paris, devinssent la propriété de la Prusse, parce qu’il savait bien que la contiguïté de deux grands états est un puissant obstacle à leur bon accord, et qu'il importait aux vues de l’Angleterre que les relations des cours de Paris et de Berlin ne pussent jamais prendre un caractère trop intime. L'établissement de la démination prussienne dans ces contrées lui paraissait d’ailleurs, comme il l’écrivait au duc de Wellington, une garantie contre la pensée systématique de la France de reprendre la Belgique et la rive gauche du Rhin, pensée qui, en dépit des intentions actuelles de son gouvernement, devait renaître toutes les fois que les circonstances en favoriseraient l’accomplissement.

Je viens de dire les motifs qui semblaient devoir engager le nouveau gouvernement français à seconder la politique de l’empereur Alexandre. Ges motifs étaient puisés dans les intérêts permanens du pays. Des passions et des intérêts personnels, s’appuyant sur des combinaisons qui avaient pour le moment une certaine valeur, l’emportèrent dans les conseils de la couronne. Une véritable antipathie s'était élevée entre Louis XVIII et le monarque russe pendant le séjour que les alliés avaient fait à Paris. Le petit-fils, le successeur de Louis XIV, en qui l’orgueil royal existait au plus haut degré, n'avait pu s’habituer à la supériorité de position que les circonstances avaient donnée au souverain d’un empire à peine compté, un siècle auparavant, parmi les états européens. Il avait été profondément blessé de