Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

68 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

force de cent cinquante mille hommes; — en cas de guerre, on conviendrait à l'amiable de la nature des opérations, du choix du général en chef, et, s’il le fallait, on prendrait de nouveaux arrangemens pour augmenter les contingens; — la paix ne pourrait être faite que d’un commun accord; les trois cours promettaient de prendre le traité de Paris pour règle de l’étendue de leurs possessions respec= tives: la Bavière, le Hanovre et les Pays-Bas devaient être invités à accéder au traité. Ce traité n’était pas destiné à devenir une réalité. Presque au mo” ment où il fut conclu et bien que les puissances contre lesquelles il était dirigé n’en eussent aucune connaissance, les dispositions intraitables dont elles s'étaient jusqu'alors montrées animées changèrent presque subitement. On se fit de part et d'autre des concessions. La Russie, gardant la majeure partie du duché de Varsovie érigée en royaume de Pologne, consentit à en laisser à la Prusse la portion aujourd’hui désignée sous le nom de grand-duché de Posen. Moyennant cette cession et celle des provinces de la rive gauche du Rhin, où l’on avait pensé à reléguer le roi de Saxe, le cabinet de Berlin restitua à ce prince, non pas la totalité, mais les deux tiers de son royaume, et il dut se contenter de cette restitution incomplète, à laquelle ses puissans protecteurs s'étaient eux-mêmes résignés. Restait à résoudre la question de Naples, celle que le cabinet des Tui-. leries avait le plus à cœur. Le gouvernement britannique, par haine de la révolution, ne portait guère moins d'intérêt à la restauration des Bourbons de Sicile. Nous avons vu avec quelle répugnance, sans reconnaître et garantir formellement comme l Autriche la royauté de Murat, il s'était prêté, dans un moment de danger, à des démarches qui équivalaient presque à cette garantie. Le danger à peine passé, le regret de cette espèce d'engagement, le désir de trouver quelque moyen de le rompre n'avaient pas tardé à s'élever dans l’esprit de lord Castlereagh. Sa correspondance nous le montre accueillant, recherchant avec empressement toutes les informations, tous les indices qui pouvaient donner lieu d’accuser Murat de n’avoir pas exécuté fidèlement les conditions de son traité avec l'Autriche et fournir ainsi un prétexte de manquer aux promesses qu'on lui avait faites. Ce malheureux prince, dont l'existence après la chute de l’empire français ne paraissait plus qu’une anomalie scandaleuse, trouYait maintenant de nombreux accusateurs. L' ancien vice-roi d'Italie, le prince Eugène, cédant à un ressentiment bien justifié, mais qu'il eût été plus généreux de contenir, le dénonçait aux alliés comme ayant entretenu des relations secrètes avec la France après son accession à la coalition; le cabinet des Tuileries appuyait cette affirmation par des documens trouvés dans les archives du gouvernement