Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

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LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 67

expédition pour renverser Murat, et ne reculant pas même devant la pensée de porter ses armes en Allemagne pour défendre le roi de Saxe, que le roi, disait M. de Blacas, ne laisserait pas détrôner. «Et comme j’essayais, ajoutait le duc de Wellington, d'appeler son attention sur les dangers que la guerre pourrait entraîner pour la maison de Bourbon, il m'a répondu que ces dangers n’existaient pas, pourvu que nous ne prissions pas parti contre la France, et que, dans certains cas, la paix recèle plus de périls que la guerre la plus malheureuse. » La lettre dans laquelle l'ambassadeur rendaït compte à lord Castlereagh de cet entretien est du 9 octobre 1814. Le 5 novembre, il lui écrivait encore : « Je viens d’avoir une entrevue avec M. de Blacas. Je l'ai trouvé fort mécontent de l'obstination de l’empereur de Russie par rapport à la Pologne et à la Saxe. 11 m'a dit que ce qui en résulterait, ce serait très probablement que le roi et le prince-régent retireraient leurs ministres du congrès, en déclarant qu’ils ne reconnaîtraient pas de tels arrangemens, et que l’Europe resterait dans un état fiévreux qui, tôt ou tard, aboutirait à la guerre. »

Comme on l’a vu, lord Castlereagh, pour qui toute la politique du congrès se résumait dans la question de Pologne, dont il faisait la base de l'équilibre européen, reprochait à M. de Talleyrand de ne pas s'en préoccuper assez et de se perdre dans des questions de détail. Le duc de Wellington s’en plaignit à M. de Blacas, qui, dans sa malveillance pour M. de Talleyrand, fit très bon marché de sa politique et promit de lui faire envoyer l’ordre d’unir ses efforts à ceux du ministre anglais pour s'opposer à tout prix aux projets de la Russie sur la Pologne. Il eût voulu que la Grande-Bretagne, la France, l'Espagne et les Pays-Bas s’engageassent par traité à ne pas reconnaître ce qui pourrait être arrêté à ce sujet entre les autres cours; c'était, à son avis, le meilleur moyen de ramener la Prusse et sur tout l'Autriche, qui semblait faiblir. Le duc de Wellington objectait à cette proposition que des mesures semblables étaient plus propres à irriter les esprits et à faire naître des difficultés nouvelles qu'à aplanir celles qui existaient déjà, et aussi qu'il ne convenait pas à l'Angleterre de se mettre de la sorte en scission ouverte avec ses alliés.

Cette scission que le gouvernement français appelait de tous ses vœux, peu s’en fallut qu’elle ne finit par éclater. Les choses en vinrent au point que, le 3 janvier 1815, MM. de Talleyrand, de Metternich et lord Castlereagh signèrent un traité secret dont voici les clauses : les puissances contractantes s’engageaient à agir de concert pour donner suite aux stipulations du traité'de Paris et à se tenir toutes trois pour attaquées, si une seule l'était; — si l’une d’entre elles se trouvait menacée, les deux autres interviendraient en sa faveur, et au besoin chacune mettrait sur pied pour la secourir une