Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

70 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

contre Murat, dont elle avait si positivement garanti la royauté; mais comme personne ne supposait que les scrupules de M. de Metternich pussent aller jusqu’à lui faire prendre d’une manière active la défense du possesseur actuel du trône de Naples, les gouvernemens qui voulaient le renverser cherchaient les moyens de se passer, dans cette entreprise, du concours du cabinet de Vienne. Divers projets furent mis en avant. L'un de ces projets, concerté entre le duc de Wellington et M. de Blacas, consistait à faire transporter sur les côtes napolitaines, par une escadre anglaise, quarante mille soldats français, auxquels se seraient joints vingt mille Anglais, dix mille Espagnols, douze mille Portugais et dix mille Siciliens. Le duc de Wellington pensait que de telles forces étaient suflisantes pour atteindre en très peu de temps le but qu’on se proposait, mais il doutait que, dans la situation où vingt ans de guerre avaient réduit les finances de l'Angleterre, l'opinion permit au gouvernement d’imposer au pays cette nouvelle charge. Il en concluait que Murat finirait par échapper au péril dont il semblait menacé. Quelque désir qu'il eût d’ailleurs de voir renverser un pouvoir dont l’existence lui semblait un danger permanent pour l'Italie et pour l'Europe, sa conscience n’était pas pleinement rassurée sur le point de droit. « Après tout, écrivait-il à lord Castlereagh, notre intervention dans cette affaire comme partie principale ne laisse pas de constituer une question assez délicate à raison des circonstances du traité signé entre l’Autriche et Murat, de la suspension d'armes que nous avions nous-mêmes conclue avec lui, et du fait que l’Autriche, se déclarant satisfaite de la manière dont il à accompli ses engagemens, ne veut pas s'associer à l'attaque dont il serait l'objet. »

Le cabinet de Londres jugea en effet que l'Angleterre ne pouvait prendre part militairement à l'expédition dont il s'agissait; mais lord Liverpool, loin de partager les scrupules-dont les lettres du duc de Wellington reproduisent plus d’une fois l'expression, lui écrivit que toute la question roulait sur l'appréciation des chances de succès, — que Murat se résignerait probablement à la perte de sa couronne si on lui offrait de bonnes conditions, que dans le cas contraire c'était la France qui devait se charger de l’expulser; qu'il y avait peu de secours à attendre de l'Espagne; que l'Angleterre pourrait bloquer les côtes napolitaines, et la Russie fournir quelques troupes; que la résistance de l'Autriche ne pouvait être sérieuse, qu’elle tenait uniquement à une sorte de respect humain, peut-être à la crainte de voir les Français entrer en Italie; mais qu'il n’était pas impossible de lui donner des garanties à cet égard. En réalité, les résolutions de l'Angleterre étaient si peu arrêtées à cette époque, que lord Castlereagh, examimant ce qu'on pourrait faire des Îles-