Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 73

« Quoique la ville de Paris, disait-il, jouisse d’une tranquillité parfaite, il y a dans presque tous les esprits un grand fonds d’anxiété et de malaise. Malgré l'arrestation des imprimeurs des libelles récemment publiés et la saisie de leurs presses,.… ces libelles ont été mis en circulation avec une activité surprenante, surtout dans l’armée. Jusque dans le sein du parti constitutionnel, parmi les hommes les mieux disposés à l'égard du roi, on a conçu la crainte que sa majesté n’ait l'intention de saisir la première occasion d'essayer de gouverner sans la législature, et ceux des membres de l’administration qui sont rentrés en France avec la famille royale, ou dont on connaît l'attachement aux anciennes formes et à l’ancien système du gouvernement, sont vus par les autres avec une extrême défiance. C’est à cette circonstance et à l'ignorance générale ici du système d’après lequel doit être conduit un gouvernement responsable qu’il faut attribuer l'apparence et, dans quelques cas, la réalité de ce caractère de désaccord, de lenteur et d’inconséquence dont sont empreints les actes du pouvoir. »

Le 26 novembre, l’illustre ambassadeur, répondant à une lettre du vieux Dumouriez, retiré depuis longtemps en Angleterre, et avec qui il entretenait des communications assez fréquentes, s’exprimait en ces termes sur les causes du déplorable état de la France : « Ge qu’il y a de pis, ce sont (1) le mécontentement général et la pauvreté universelle. Cette malheureuse révolution et ses suites ont ruiné le pays de fond en comble. Tout le monde est pauvre, tous doivent donc viser à remplir des emplois publics. » Le 5 décembre, le duc écrivait à lord Castlereagh :

«Le roi et la famille royale se sont rendus à l’Odéon mercredi dernier, quoique sa majesté, avant de quitter son palais, eût recu l’avis qu’il y avait un complot dirigé par plusieurs généraux pour attaquer sa personne. Le roi était accompagné de Monsieur, de la duchesse d'Angoulême et du duc de Berry. Il avaït laïssé le soin des arrangemens à prendre pour sa sûreté au capitaine des gardes de service, le maréchal Marmont, qui mit sous les armes quatre mille hommes de la garnison de Paris. Le rapport fait au roi n’avait pas le moindre fondement... Mais la vérité est que tant de partis et même d’individus sont intéressés à la conservation de la vie du roi, et que l'esprit de soupcon réciproque est poussé si loin, surtout en ce qui regarde le ministre de la police, qu'un grand nombre de gens, s’occupant à chercher de tous côtés des informations sur ce qui se passe, recueillent à Fenvi les bruits les plus faux, qu'ils ne manquent pas de porter immédiatement aux Tuileries. Ce qui n’est pas douteux, c’est que le mécontentement des officiers licenciés et de l’armée en général s’accroit de jour en jour, qu’un grand nombre de ces officiers est réuni à Paris, et que leurs propos, leur attitude sont de nature à inquiéter le gouvernement et ses amis. Cet état d’alarme continue où le public est entretenu sur la sûreté de la famille royale a produit un autre mal : je veux parler d’une bande de royalistes et de chouans qui, à ce qu'il paraît, ont à

(1) L’original de cette lettre est en français.