Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

74 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

leur tour menacé la vie des maréchaux et des adhérens de la république et du système impérial. Je suis assez mal informé de ce qui regarde cette bande, mais il est cerlain qu’on en a concu quelque alarme... J'imagine que ce sont ces alarmes réciproques qui ont décidé le roi à appeler au ministère de la guerre le due de Dalmatie, dont les talens ne peuvent être mis en doute. »

Bientôt après, le 15 décembre, le duc de Wellington, sans méconnaître les bons effets produits par la vigueur du nouveau ministre, qui avait déjà obligé beaucoup d'officiers en non-activité à sortir de Paris, disait pourtant que la rivalité existante entre les maréchaux avait empêché que sa nomination ne fût reçue par tous les chefs de l’armée avec la reconnaissance qu’elle aurait dû inspirer. Revenant encore, dans une lettre adressée à son frère, sir Henri Wellesley, sur ce qui lui paraissait la source principale du danger dont la tranquillité de la France était menacée, il résumait ainsi sa pensée : « La vérité est, je crois, que ce peuple est si complétement ruiné par la révolution et que la privation du pillage de l’Europe se fait sentir à lui si cruellement, qu’il ne peut absolument s’en passer. »

J'ai multiplié ces citations, parce qu'il m’a semblé curieux de voir comment un esprit juste, exact, aussi impartial que le permettaient certains préjugés de nationalité et d'opinion, jugeait la situation étrange où la France était en ce moment, alors que l’ancien et le nouveau régime se trouvaient en présence, non pas, comme on les a vus depuis, atténués, modifiés l’un par l’autre, à demi transformés, se touchant et se confondant par mille côtés, mais encore entiers dans leurs croyances, dans leurs haïnes mortelles et n’ayant ensemble aucune communication morale, en dépit des institutions par lesquelles on avait voulu les unir et les confondre. Les incertitudes, les contradictions mème que l’on remarque dans la correspondance du duc de Wellington ne font que rendre plus sensible l'agitation confuse qu’il avait sous les yeux. Tantôt, malgré tant de symptômes effrayans, il voulait croire qu’il n'existait aucun danger réel, ou du moins que ce danger était très éloigné, tantôt au contraire il admettait la possibilité d’une crise immédiate. Dès le 9 novembre, il écrivait à lord Liverpool : « Bien que j'entende parler chaque jour des progrès du mécontentement et de ses résultats probables, et que j'aie lieu de penser, d’après une communication que j'ai eue avec le duc d'Orléans, que Blacas commence à s’en préoccuper plus qu’il n’en est convenu avec moi, je ne vois pas quels moyens aurait le roi de résister à une brusque attaque de quelques centaines d’officiers déterminés à tout risquer; je ne puis pourtant me résoudre à ajouter foi à un projet aussi infâme. D'un autre côté, on ne peut se faire une idée de l’état de détresse où sont réduits les individus de toutes les classes. Le seul remède pour eux, c’est la résurrection du système de guerre et