Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

76 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

devait être surtout décidé par l’emploi des forces navales, mais il demandait, avec cet orgueil naïf qui était un des traits de son caractère, si, dans l'incertitude qui planaïit encore sur l’issue du congrès de Vienne, et par conséquent sur la situation de l’Europe, il était à propos d’éloigner le seul homme en qui le gouvernement britannique et ses alliés pussent avoir confiance. Cela lui paraissait impossible; il conseillait plutôt aux ministres de l'appeler à Londres pour quelques jours, sous prétexte de lui faire présider un conseil de guerre chargé de juger un officier général; on trouverait facilement des motifs pour prolonger son absence de Paris; il resterait titulaire de l’ambassade et disponible pour tout ce qui pourrait survenir.

Cédant enfin aux vives instances de son gouvernement, il s'était déterminé, vers le milieu de novembre, à quitter Paris. Il ne donna pourtant pas suite à ce projet, et dans une lettre qui porte la date du 18 de ce mois, il expliqua ainsi à lord Liverpool son changement de résolution : « Le bruit de mon prochain départ, publié dans les journaux anglais et reproduit dans les journaux français, a excité ici une anxieté si vive, que j'ai cru à propos de vous envoyer un courrier. Ceux qui savent l’état des affaires considèrent ce départ comme un échec. Ceux qui ne le connaissent pas, et le public en général, y voient une preuve que les deux pays ne sont pas dans d’aussi bons rapports qu'ils devraient être et qu’ils sont en effet. Enfin ceux qui ne croient pas au bruit répandu le prennent pour une invention de la malveïllance. » Lord Liverpool, vaincu par cette opiniâtre résistance, finit par permettre au duc de Wellington de rester à Paris jusqu'au moment où il trouverait une occasion favorable pour en partir sans qu'on püt croire, suivant l'expression du guerrier diplomate, que de vagues rapports et des lettres anonymes l’avaient effrayé au point de l’obliger à prendre la fuite.

Cette occasion ne tarda pas à se présenter. La session du parlement allait s’ouvrir, et le ministère anglais s'attendait à rencontrer dans la chambre des communes, si docile tant que les dangers de la guerre contre la France avaient été la grande préoccupation du pays, une forte opposition. Très faiblement représenté dans cette assemblée, il ne crut pas pouvoir se passer de l'appui de lord Castlereagh, le seul des membres du cabinet qui fût en mesure d’y exercer une véritable influence. Lord Castlereagh, qui eût désiré rester à Vienne, se vit donc obligé de retourner en Angleterre, et le 3 février 1815 le duc de Wellington le remplaça au congrès.

Peu de semaines séparèrent l’époque de son départ de Paris de la catastrophe du 20 mars. Le duc de Wellington avait cru que le gouvernement royal serait renversé par un coup de main intérieur; ce coup de main fut tenté en effet par quelques-unes des garnisons du