Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

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LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 7

nord de la France dans une pensée qui, aujourd’hui encore, n’est pas bien éclaircie : il fut réprimé, mais en ce moment même Napoléon, par une étrange coïncidence où l’on crut voir alors la preuve d’un concert avec les auteurs de ce mouvement, débarquait à Cannes, suivi de quelques centaines de soldats, et vingt jours après il arrivait à Paris, entraînant après lui toutes les forces que Louis XVIII avait envoyées pour le repousser.

Depuis quelque temps déjà, on commençait à s'inquiéter dans les conseils des puissances des dangers que le séjour de Napoléon sur un point aussi rapproché que l’île d’Elbe pouvait faire courir à la France et surtout à l'Italie. On agitait dans le congrès l’idée de lui assigner une résidence moins menaçante, et comme on à lieu de croire qu'il n’ignorait pas ces délibérations, il est vraisemblable qu’elles ne contribuèrent pas peu à le pousser à cette entreprise audacieuse. Le gouvernement français d’ailleurs, au mépris de ses engagemens formels, s'était abstenu de lui payer la pension stipulée par le traité de Fontainebleau, et l'avait ainsi réduit à une véritable détresse; les gouvernemens alliés qui avaient signé ce traité, qui par conséquent devaient en garantir l'exécution, n’y avaient pas tenu la main. En laissant ainsi violer la seule condition qui offrit quelques avantages à l'empereur déchu, ils lui avaient fourni plus qu'un prétexte de se considérer comme dégagé de celles qui étaient à sa charge : non pas que je veuille dire que Napoléon fût autorisé par ce manque de foi à livrer aux hasards d’un jeu presque désespéré les destinées du pays qu'il avait gouverné si longtemps; mais s’il se rendait par là bien coupable envers la France, les puissances s’étaient ôté le droit de lui reprocher d’enfreindre des conventions qu’elles-mêmes n'avaient pas respectées.

La nouvelle de’son départ de l’île d’Elbe, transmise à Vienne par une dépêche de lord Burghersh, envoyé britannique à Florence, y produisit, comme on peut croire, une vive impression, bien qu’on ne pût savoir encore quelle direction il avait prise, ni calculer par conséquent la portée et les chances de succès de sa tentative. L’un des plénipotentiaires anglais au congrès, lord Clancarty, rendit compte en ces termes à lord Castlereagh de cette première émotion : « J'étais à la cour le soir de l’arrivée de la lettre de lord Burghersh. Malgré tous les efforts qu’on faisait pour cacher l'inquiétude sous une indifférence apparente, il n’était pas difficile de voir que la crainte était le sentiment qui dominait tous ces personnages impériaux et royaux; leurs principaux serviteurs feignaient de prendre très légèrement la chose, mais cette dissimulation affectée était évidemment une tâche trop pesante pour eux. » Le duc de Wellington pensait que Napoléon s'était laissé abuser par de faux renseignemens sur l’état de la