Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

78 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

France, et que le gouvernement du roi viendrait à bout de lui très facilement et en très peu de temps. Ilajoutait pourtant que si, contre son attente, on n’en avait pas fini promptement, l'affaire deviendrait fort sérieuse, et exigerait de l'Europe un effort puissant, dont le succès d’ailleurs ne lui semblait pas douteux.

On sait quelles furent les résolutions prises par le congrès de Vienne à mesure que lui parvinrent les nouvelles de la marche et des succès de Napoléon. Le 43 mars, les plénipotentiaires des huit puissances signataires du traité de Paris, c’est-à-dire de la France elle-même, de l'Angleterre, de la Russie, de l’Autriche, de la Prusse, de l'Espagne, du Portugal et de la Suède, déclarèrent par un acte solennel que Vapoléon Bonaparte, en rompant la contention qui l'avait établi à l'ile d'Elbe, avait détruit le seul titre légal auquel son existence se trouvait altachée; qu'il s'était privé de la protection des lois, s'était placé hors des relations civiles el sociales, et, comme ennemi et perturbateur du repos du monde, s'était livré à la vindicte publique, et que les puissances, fermement résolues à maïntenir intact le traité de Paris, emploieraient fous leurs moyens, réuniraient tous leurs efforts pour que la pair générale ne füt pas troublée de nouveau. Le 25 mars, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, pour donner suite à cette déclaration, conclurent un traité auquel Louis XVIIL, déjà sorti de France, donna son adhésion aussi bien que tous les autres gouvernemens européens. Aux termes de cet acte, les quatre parties contractantes s’engagèrent à préserver de toute atteinte l'ordre de choses établi par le traité de Paris et par les résolutions du congrès de Vienne, à forcer Napoléon à se désister de ses projets, et à le mettre hors d’état de troubler à l'avenir la paix générale.

Vainement Napoléon, en mème temps qu'il organisait avec son activité ordinaire des moyens de défense contre la formidable attaque dont il était menacé, essaya-t-il de dénouer les liens de la coalition : elle était trop puissamment cimentée par la terreur qu’il inspirait aux rois, aux hommes d’état et aux peuples de l'Europe. Ses envoyés, ses courriers même, furent partout repoussés, on ne voulut pas même prendre connaissance des propositions dont ils étaient chargés. Trouvant dans les archives du ministère des affaires étrangères le traité secret conclu à Vienne, le 3 janvier, entre la France, l'Angleterre et l'Autriche, dans la prévision d’une rupture avec la Russie et la Prusse, Napoléon eut soin d’en faire donner connaissance à l’empereur de Russie. Il espérait par là le brouiller avec des alliés qui avaient été si près de devenir ses ennemis. Ce calcul fut trompé : Alexandre, sans dissimuler la pénible surprise, l’indignation même, qu'une telle découverte lui faisait éprouver, affecta de se mettre, dans l'intérêt de la cause européenne, au-dessus de ses justes ressentimens.