Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

82 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

leur étaient également odieux. Les protestations amicales des autres gouvernemens alliés étaient-elles du moins complétement sincères ? H est permis d’en douter, lorsqu'on voit lord Castlereagh écrire dès le 26 mars au duc de Wellington que la guerre ne pouvait plus être faite d’après les principes adoptés l’année précédente, que les Anglais, en s'opiniâtrant à y porter la même modération, ne réussiraient qu’à être onnétes pour leur propre compte et à rendre leurs confédérés plus odieux, et qu’à son avis la France devait cette fois payer le prix de sa libération.

Un trait qui peint les sentimens dont les Prussiens étaient animés contre tout ce qui portait le nom de Français, c'est le refus fait par leur généralissime, le vieux prince Blücher, qui commandait l’armée dirigée par eux sur la Belgique, de recevoir à son quartier-général le commissaire que Louis XVIII avait cru devoir y envoyer comme il en avait envoyé d’autres auprès des autres généraux étrangers. Il ne voulait permettre à aucun Français, pas même à ceux qui étaient restés attachés au service du roi exilé, de résider sur le territoire au par ses troupes. Le prince de Wrède, commandant en chef

des forces bavaroiïses, crut devoir imiter ces procédés blessans, que le duc de Wellington désapprouvait et déplorait.

Au milieu de ces mauvais vouloirs et de ces équivoques bienveillances, c'était une triste situation que celle de Louis XVIIT, qui, retiré à Gand, entouré de quelques courtisans, d’un petit nombre de réfugiés appartenant à toutes les nuances de l'opinion monarchique, de quelques débris de sa maison militaire, et ne pouvant espérer un retour de fortune que des succès des étrangers, s’attachait à faire encore acte de royauté, nommait des ministres, tenait conseil avec eux, recevait leurs rapports, et affectait d'entretenir avec les gouvernemens alliés les relations ordinaires de la diplomatie. Ces exilés n'étaient pas même d'accord entre eux. Tandis que les uns pressaient de leurs vœux, de leur insistance, la marche des troupes étrangères et se permettaient même de stimuler la prétendue lenteur du duc de Wellington, qui avait beaucoup de peine à leur faire comprendre la nécessité de quelques semaines de retard, tandis qu’ils concevaient le projet, auquel heureusement il ne fut pas donné suite, d'organiser l'émigration en un corps militaire qui se serait réuni à l’armée an-

glaise, d’autres, comme le maréchal Marmont, s'éloignaient pour ne pas se trouver compromis dans ces entrainemens. Jusque dans le sein de la famille royale, de graves dissentimens se manifestaient. Le duc d'Orléans, qui s’était retiré en Angleterre au lieu d'aller se ranger à Gand auprès de Louis XVIII, lui écrivait pour le dissuader de se montrer au milieu des armées alliées ou d’y laisser paraître les princes; il lui représentait qu’en retombant ainsi dans les fautes