Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

SA LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION:

complète, avec le frère de lord Castlereagh. Après avoir témoigné sa satisfaction de la sagesse des conseils donnés au roi par le gouvernement britinnique, après avoir dit qu’il désirait les voir suivre plutôt qu'il ne l’espérait, le prince entrait dans de longs raisonnemens sur les motifs qui devaient porter Louis XVIII à se tenir momentanément à l’écart, pour éviter de reparaître en France à la suite des armées étrangères et entouré d’émigrés; il disait qu’au lieu de provoquer, comme en 1792, des émigrations utiles seulement à Bonaparte, au lieu de travailler à gagner quelques corps de l’armée, qui ne pouvait être utile que si on la gagnait tout entière, on ferait mieux de chercher à pratiquer des intelligences dans la chambre des représentans qui allait se réunir à Paris. « Mais, ajoutait-il, on préfère à ‘Gand le moyen anodin d’un million de baïonnettes. »

Le duc d'Orléans avait communiqué au ministère anglais sa correspendance avec Louis XVIII. Il en avait aussi donné connaissance au duc de Wellington. Ce dernier, tout occupé alors des préparatifs de la campagne qui allait s'ouvrir dans quelques jours, trouva cependant le temps de lui faire une réponse assez remarquable pour qu'il me semble à propos de l’insérer ici presque en entier :

« Mon opinion est que le roi a été renversé de son trône parce qu'il n’a jamais eu d'autorité réelle sur son armée. C’est un fait que votre altesse et moi nous connaissions très bien, que nous avons souvent déploré, et lors même que les fautes ou plutôt les folies de son administration civile n’au-

_ raient pas été commises, je crois que l'on aurait vu les mêmes résultats. Nous devons donc considérer le roi comme la victime d’une révolte heureuse de son armée et de son armée seulement, car, quels que puissent être les opinions et les sentimens de quelques hommes qui ont pris une part éminente à la révolution et quelle qu’ait été l’apathie de la grande masse de la population française, nous pouvons, je pense, tenir pour certain que les premiers eux-mêmes n'aiment pas l’ordre de choses aujourd’hui existant, et que la population, si elle l’osait, s’y opposerait par la force. Cela étant ainsi, quelle doit être la conduite du roi? D'abord il doit demander à ses alliés de le mettre en état de tenir tête à son armée rebelle; il doit, par son appui personnel et par l’action de ses serviteurs et adhérens, faire tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter leurs opérations, diminuer par le bon ordre et les arrangemens bien concertés les charges que la guerre va faire peser sur ses sujets fidèles et les engager à recevoir ses alliés comme des amis et libérateurs. Le roi devrait intéresser les alliés à soutenir sa cause, et il ne peut le faire qu'en se mettant lui-même en avant. Votre altesse voit que je ne partage pas son sentiment sur la conduite du roi. Quant à ce qui regarde votre altesse, j'avoue que je ne vois pas comment, jusqu'au moment actuel, elle aurait pu agir autrement qu’elle ne l’a fait. Il n’est pas nécessaire que j’énumère les diverses raisons que vous avez eues de vous tenir à distance de la cour depuis qu'elle est à Gand, maïs je les sens toutes, et je crois qu’il en est quelques-unes dont le roi ne méconnaît pas la force; mais si, comme on peut