Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 85

s’y attendre, l'entrée en France et les premiers succès des alliés amenaient le peuple à se meitre en mouvement, si un grand parti venait à se prononcer en faveur du roi sur différens points du royaume, votre altesse considérerait certainement alors comme son devoir d'offrir ses services à sa majesté. Je me hasarde à lui suggérer ce plan de conduite, en lui donnant d’ailleurs l'assurance que je n’ai eu à ce sujet aucun entretien avec le roi. »

Tous ces plans, toutes ces spéculations de la prudence humaine devaient, comme il arrive si souvent, être mis en défaut par l’événement. Déjà près d’un million d'hommes, soldés en grande partie à l’aide des subsides de Angleterre, accouraient de tous les points de l'Europe pour envahir la France. Napoléon, malgré son incroyable activité et son rare talent d'organisation, n’avait pu réunir, pour leur résister, que deux cent cinquante mille soldats, obtenus à grand’peine de la France épuisée et mécontente. En butte aux soupçons et aux exigences de l'esprit révolutionnaire dont il avait cru devoir invoquer le concours, fatigué, humilié de la comédie de liberté qu'il jouait depuis trois mois avec autant de dégoût que de contrainte, et espérant retrouver sur le champ de bataille, au milieu de ses compagnons d'armes dévoués, la liberté d'action qui était le premier besoin de son âme impérieuse, il se hâta de courir à la frontière pour Y combattre la coalition avant que la réunion de toutes les forces dont elle disposait n'eût rendu les chances de la lutte trop inégales. Le 15 juin, au moment où les alliés le croyaient encore à Paris et ne pensaient même pas qu'il dût en partir de si tôt, il forçait par un brillant combat d'avant-garde l'entrée du territoire belge; le 16, il battait à Ligny l’armée prussienne; le 18, la sienne se brisait à Waterloo contre la ferme et impassible résistance de l’armée anglaise, secourue au moment décisif par ces mêmes Prussiens qu’il avait vaincus l’avant-veille; — le 22, de retour à Paris pour essayer de s’y créer de nouvelles ressources, il se voyait contraint d'abdiquer sur l’injonction menaçante de la chambre des représentans, où dominaient les partis révolutionnaire et constitutionnel réunis contre lui dans des vues d’ailleurs bien diverses; — le 3 juillet, les Anglais et les Prussiens prenaient possession de Paris en vertu d’une capitulation militaire, et le 8 du même mois Louis XVIII rentrait aux Tuileries.

III.

L'année précédente, l'empereur Alexandre, par l'éloignement accidentel de la plupart des autres souverains où de leurs ministres au moment de la prise de Paris, s’était trouvé investi d’une sorte de